Pour la première fois, la France a été mise en cause, le 16 octobre, devant la Cour de justice de Strasbourg, pour avoir violé la Convention européenne des droits de l'homme en interdisant aux enfants nés sous X de connaître le nom de leurs parents biologiques.
« Le respect de la vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la Convention, exige que toute personne puisse établir précisément les détails de son identité », a plaidé, lors d'une audience devant la Cour européenne des droits de l'homme, Me Didier Mendelsohn, avocat d'une jeune femme dont la mère a accouché dans l'anonymat.
La requérante, Pascale Odièvre, 36 ans, abandonnée à l'âge de 2 mois, a été adoptée vers l'âge de 3 ans. Depuis, toutes ses démarches pour retrouver sa famille biologique se sont soldées par une fin de non-recevoir, en raison de la législation en vigueur.
Pour Odile Roy, enseignante à l'université Paris-X , qui a participé à l'élaboration du projet de loi de Ségolène Royal visant à permettre aux nés sous X d'accéder à leurs origines si la mère en est d'accord*, l'Etat français est coupable d'une ingérence dans la vie privée de Pascale Odièvre en autorisant sa mère naturelle à organiser le secret de son accouchement.
Un souci de santé publique
Le représentant du gouvernement français, François Alabrune, a fait valoir que Pascale Odièvre n'avait pas épuisé tous les recours internes. Elle aurait pu demander aux juridictions administratives de faire primer les dispositions de la Convention européenne sur celles de la loi française.
La règle du secret, a-t-il expliqué, a été inspirée par « un souci de santé publique », afin d'éviter des accouchements clandestins et des infanticides.
Chaque année, 500 Françaises, âgées dans la moitié des cas de moins de 23 ans, donnent la vie dans le secret. Une sur dix est mineure, et une sur quatre en cours de scolarité ou d'études. La moitié est à la recherche d'un emploi, sans profession ou sans ressources propres. Quatre sur cinq vivent en célibataires et dans 5 % des cas, le père existe et a été informé de la grossesse ; cette situation exceptionnelle permet à la future mère de revenir sur sa décision, ce qui arrive souvent. Une sur quatre est toujours chez ses parents et a opté pour le secret par peur de la réaction de ces derniers ou sous leur pression, notamment dans les milieux très religieux. Enfin, une « minorité non négligeable », bien qu'elle n'ait pas été chiffrée, appartient aux classes sociales aisées ou favorisées ; aussi, comme dans l'imagerie ancienne, la jeune fille concernée abandonne son enfant pour ne pas « déshonorer » l'entourage.
Seulement en France
La France est aujourd'hui le seul pays du Conseil de l'Europe qui autorise l'accouchement anonyme. En Allemagne, Autriche, Belgique, Grèce, Suisse et Turquie, ainsi qu'aux Pays-Bas et au Portugal, il est formellement interdit. Au Luxembourg, en Italie et en Espagne, où le nom de la mère ne figure pas obligatoirement sur l'acte de naissance, des recherches en maternité sont toujours possibles.
Les neuf juges de la Cour européenne devraient décider assez rapidement de la recevabilité de la plainte Odièvre. Le cas échéant, ils jugeront du bien-fondé de la requête dans un délai de plusieurs mois.
* Texte adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 31 mai.
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