LORSQUE L'H[239]PITAL d'enfants paraît, en 1802, le cercle médical se joint au cercle familial et aux œuvres sociales pour applaudir.
La mortalité infantile fait des ravages. La promiscuité subie par les enfants malades qui se retrouvent placés à l'hospice avec les autres malades émeut les gardiens des bonnes mœurs. Une ségrégation morale s'impose.
Par ailleurs, le mouvement d'idées de la fin du XVIIIe siècle (cf Rousseau) reconnaît la spécificité de l'enfant, qui réclame des soins particuliers pour son bon développement. Alors que les enfants subissent encore la médecine des adultes avec saignées et purgations, quelques médecins visionnaires échafaudent des projets d'établissement spécifique, permettant de jeter les bases d'un nouveau savoir médical en matière de pathologie infantile. L'exposition en présente quelques-uns.
C'est ainsi que deux décennies plus tard s'ouvre en 1802 à Paris, rue de Sèvres, l'hôpital des Enfants-malades, le premier au monde à être réservé aux enfants de 2 à 15 ans - si l'on excepte l'infirmerie des hospices d'enfants trouvés et des dispensaires en Angleterre.
L'hôpital d'enfants accueille indistinctement dans ses grands services de médecine et chirurgie toutes les pathologies. S'adressant à une clientèle pauvre, on ne s'étonnera pas d'y trouver teigne, rachitisme, gale, en grand nombre. Les malades chroniques font des séjours longs (en moyenne plus de 50 jours aux Enfants-malades vers 1850). L'Assistance publique y voit l'occasion d'instruire et d'éduquer les « petits du pauvre », soustraits pour un temps à l'influence néfaste de leur milieu. Bien avant les lois sur l'école obligatoire, un instituteur fait la classe aux enfants non alités (l'association L'Ecole à l'hôpital, qui se déplace au lit du malade, sera créée en 1929).
Animations et fêtes.
Tandis que des œuvres philanthropiques organisent des animations pour lutter contre l'oisiveté des enfants. Fêtes religieuses sous le Second Empire et célébrations républicaines plus tard sont autant d'occasion pour améliorer l'ordinaire, distribuer des cadeaux et offrir des spectacles. Hier comme aujourd'hui, l'attendrissement est de règle, la médiatisation assurée par les journaux et plus tard le cinéma (voir un film de 1910 des archives Gaumont) et l'argent plus facile à récolter (ce que le scénographe de l'exposition évoque avec une pluie de poupées-baigneurs couverts d'or). Les gravures et photos anciennes témoignent de cette générosité toujours à l'œuvre aujourd'hui à travers de nombreuses associations. Entre-temps, psychologues et psychanalystes ont démontré le rôle des activités d'éveil et de création pour lutter contre la dépression. La première ludothèque est installée en 1969 à Saint-Vincent-de-Paul. Des postes de jardinière d'enfants sont créés.
L'exposition présente un volet sur le cas des enfants rangés dans la catégorie « idiots » et dont l'institution se désintéressait. Ce n'est qu'à la fin du XIXe que, grâce en particulier à l'action de Bourneville, s'ouvrent des services spécialisés où l'on stimule et éduque ces enfants. En vitrine, le matériel pédagogique utilisé.
Un nouveau savoir médical
Pour la jeune pédiatrie, l'affluence des enfants malades vers un seul établissement de 600 lits offre certes la possibilité de recueillir des observations ; mais dans un premier temps, l'hôpital multiplie les risques de contagion. La mortalité est effarante, de l'ordre de 25 %. Aux Enfants-malades comme à Sainte-Eugénie, deuxième établissement parisien, ouvert en 1854 dans les locaux de l'ancienne maison des Enfants trouvés et rebaptisé Trousseau en 1880.
A partir de 1880, justement, des structures pavillonnaires sont mises en place pour isoler les cas de diphtérie ou de rougeole. Mais les effets de l'isolement restent limités : plus d'un enfant sur quatre décède aux Enfants-malades en 1890, encore 20 % à Trousseau. En 1895, l'AP décide de désaffecter Trousseau et de le remplacer par trois structures de 200 lits.
En 1901, trois nouveaux hôpitaux pédiatriques pavillonnaires ont vu le jour, Bretonneau, Hérold et le nouveau Trousseau. Des services infantiles sont également ouverts à Saint-Louis (1804) à Ambroise-Paré (1925), à la Salpêtrière (1927). Plusieurs sanatoriums ont également été construits. Moyennant quoi, la stricte application des règles d'asepsie et d'antisepsie, les premiers succès (sérothérapie antidiphtérique), le développement de la prévention avec la puériculture et l'arrivée des vaccins finissent par conférer à la médecine infantile une certaine autorité. Il n'empêche, être pédiatre dans la première moitié du XXe siècle est une tâche éprouvante.
« Il y a soixante ans, écrit le Pr Robert Debré en 1973, lorsque j'exerçais le métier de médecin d'enfants, on peut dire que l'on vivait dans l'inquiétude, et même dans l'angoisse... une fois le diagnostic posé... Nous étions impuissants pour lutter contre la maladie infectieuse que nous venions de reconnaître. ». Précisons cependant que les enfants arrivent souvent à l'hôpital lorsqu'ils sont irrémédiablement atteints.
Nouvelles conquêtes.
Tout va changer après 1950. C'est le recul des maladies carentielles et infectieuses. Les premiers sulfamides puis les antibiotiques triomphent des infections microbiennes. L'hôpital est désormais un grand service public ouvert à tous. Les progrès technologiques vont bientôt segmenter la pédiatrie en de multiples spécialités. L'ouverture de Robert-Debré en 1988 témoigne de ces bouleversements.
Dans la dernière salle, l'exposition conduit à réfléchir sur le nouveau rôle des parents, qui réclament d'être désormais des partenaires, et des enfants, dont les droits reconnus font des interlocuteurs des équipes soignantes. Dix-huit vidéotémoignages donnent la parole à des pédiatres, des soignants et des représentants d'association. En effet, si l'hôpital d'enfants a été le premier lieu où les parents furent tolérés, parce qu'il était admis que les enfants avaient besoin de leur mère notamment, il fut aussi celui d'un isolement très strict par crainte de la contagion (interdiction des visites des frères et sœurs). La séparation affective était le prix à payer. Le Pr Jean Bernard fait venir, le premier, une psychologue pour les enfants leucémiques de son service. Les premières unités mère-enfant ne sont installées qu'en 1973. Deux maisons d'adolescents viennent de s'ouvrir à Avicenne et à Cochin.
Comme toujours dans les expositions du musée de l'AP-HP, « l'histoire doit éclairer le présent, explique Anne Nardin, conservatrice en chef. Hier comme aujourd'hui tout ce qui touche à l'enfant comporte un côté affectif. A l'heure où la pédiatrie connaît un certain malaise, nous avons mis l'accent sur la singularité de l'hôpital pédiatrique, avec ce face-à-face médecins/parents/enfants qui réclame des ajustements au cas par cas. Ce que révèlent les archives ».
Catalogue vendu sur place 30 euros.
Invitation gratuite pour les lecteurs du « Quotidien »
« L'hôpital et l'enfant : l'hôpital autrement ?... »
Invitation à l'exposition
Valable pour 2 personnes
Du 2 février au 1er mars inclus
Sur présentation de ce coupon
Musée de l'AP-HP
47, quai de la Tournelle, 75005 Paris
Ouvert du mardi au dimanche, de 10 heures à 18 heures
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