REFERENCE
Trois stades
La maladie de Lyme est causée par un spirochète, Borrelia burgdorferi transmis à l'homme par la morsure d'une tique du genre ixode. Elle débute habituellement entre mai et novembre. L'incubation moyenne est de sept à dix jours et l'affection suit alors trois stades. Le premier est le typique et transitoire érythème migrant. Quelques semaines après, survient la diffusion hématogène du spirochète à de multiples organes dont le système nerveux, correspondant au stade 2. Six mois en moyenne après l'érythème migrant peut survenir le stade 3 avec troubles nerveux centraux, articulaires et cutanés.
La myélopathie se présente préférentiellement sous la forme d'une myélo-méningo-radiculite avec syndrome méningé et radiculalgies intenses lors du stade 2. Elle s'inscrit plutôt dans une encéphalo-myélite d'évolution lentement progressive, parfois à rechute, pouvant mimer une sclérose en plaques, au cours du stade 3. Un tableau de myélite transverse d'installation aiguë, subaiguë ou progressive, souvent incomplet, apparaît le plus fréquent, se traduisant par une para- ou une tétraparésie spastique avec niveau sensitif superficiel thoracique et ataxie proprioceptive associées à des troubles vésico-sphinctériens. Une atteinte associée des nerfs crâniens est fréquente, et plus particulièrement les nerfs facial et cochléaire. Il existe une méningite lymphocytaire avec hyperprotéinorachie.
L'électrophorèse des protéines du liquide céphalo-rachidien (LCR) détecte une synthèse intrathécale (SIT) d'immunoglobulines G (IgG) avec présence de bandes oligoclonales. Le diagnostic positif est établi par la sérologie (immunoabsorption enzymatique, ELISA) sérique et intrathécale confirmée par le western blot, plus spécifique. Une SIT des anticorps anti- Borrelia burgdorferi avec une activité spécifique plus élevée dans le LCR que dans le sérum permet d'affirmer la neuroborréliose. L'amplification génique par Polymerase Chain Reactive détectant directement l'agent infectieux pourrait devenir une méthode diagnostique de référence.
L'imagerie par résonance magnétique (IRM) montre habituellement des hypersignaux T2 focaux ou diffus de la moelle cervico-dorsale, ainsi que de la substance blanche périventriculaire cérébrale et des noyaux gris centraux dans l'encéphalomyélite.
Un traitement par ceftriaxone (2 g/jour chez l'adulte et 75-100 mg/kg/jour chez l'enfant) ou par doxycycline (200 mg/jour chez l'adulte et 4 mg/kg/j chez l'enfant de plus de 8 ans) durant quatre semaines est préconisé. Un contrôle du LCR au terme du traitement semble judicieux pour apprécier la disparition de la réaction méningée et prendre la décision d'arrêter le traitement.
Sclérose combinée
La myélopathie vacuolaire est l'atteinte médullaire la plus fréquente chez le sujet infecté par le VIH et survient généralement lorsque la dépression immunitaire est déjà marquée. La responsabilité directe du virus n'est pas clairement établie et certains auteurs ont évoqué le rôle possible du déficit immun, des cytokines ou d'une carence vitaminique.
L'atteinte réalise un tableau de sclérose combinée de la moelle avec paraparésie ataxo-spasmodique associée à des troubles vésico-sphinctériens d'évolution progressive. Le début se traduit par une faiblesse à la marche et des troubles de l'équilibre. A ce stade, le diagnostic est évoqué devant un syndrome pyramidal des membres inférieurs, coexistant avec des troubles sensitifs profonds. Il n'existe pas de niveau sensitif superficiel médullaire. Une hypoesthésie thermo-algique en chaussette est souvent présente, en rapport avec une polyneuropathie à VIH associée. Les réflexes achilléens sont alors diminués ou abolis. Les troubles moteurs, sensitifs profonds et, plus tardivement, vésico-sphinctériens s'aggravent progressivement, jusqu'à confiner, après quelques mois, le patient au fauteuil.
A un stade évolué, une encéphalite à VIH se traduisant par des troubles cognitifs et du comportement accompagne l'atteinte médullaire dans la moitié des cas.
Certains diagnostics différentiels, pour la plupart potentiellement curables, doivent être systématiquement envisagés : myélite à cytomégalovirus ; abcès toxoplasmiques médullaires ; syphilis ; myélites à virus herpès simplex et varicelle-zona ; carence en vitamine B12 ou en folates ; lymphome médullaire ; coïnfection par le HTLV 1. Enfin, des cas de méningo-myélite aiguë au cours d'une séroconversion au VIH ont été rapportés avec une évolution favorable.
L'hémogramme trouve habituellement une lymphocytopénie avec lymphocytes T4 inférieurs à 200/μl. Le LCR peut montrer une banale pleïocytose lymphocytaire et une hyperprotéinorachie. L'IRM médullaire est normale ou révèle des hypersignaux T2 non spécifiques, ou une atrophie de la moelle épinière.
Il n'existe aucun traitement de la myélopathie vacuolaire en dehors d'une prise en charge symptomatique de la spasticité et des troubles sphinctériens.
Voie sexuelle, allaitement, produits sanguins
En 1985, en Martinique, l'association du rétrovirus HTLV 1 avec la paraparésie spastique tropicale, tropical spastic paraparesis (TSP) était suggérée, puis rapidement confirmée dans les autres zones d'endémie du virus, et en particulier au Japon où l'affection a été dénommée myélopathie associée au HTLV 1, HTLV 1 associated myelopathy (HAM). L'infection HTLV 1 est endémique dans le bassin caraïbe, l'Amérique centrale et du Sud, l'Afrique intertropicale, l'Afrique du Sud et le Japon. La transmission s'effectue par voie sexuelle, l'allaitement et les produits sanguins.
La séroprévalence est estimée à 2,2 % en Martinique, et environ 3 % des sujets séropositifs développent la maladie. La TSP/HAM débute à un âge moyen de 48 ans et concerne deux femmes pour un homme.
Elle s'installe insidieusement par une raideur des membres inférieurs à la marche. La phase d'état est dominée par une paraparésie ou une paraplégie très spastique. Le déficit moteur est associé à des réflexes ostéo-tendineux pyramidaux, une trépidation épileptoïde des chevilles et un signe de Babinski bilatéral. Les membres supérieurs sont indemnes de troubles fonctionnels. L'absence de niveau sensitif médullaire est la règle.
Les troubles urinaires sont quasi constants, conduisant parfois à une incontinence urinaire totale, et souvent associés à des troubles sexuels. Une constipation opiniâtre est très fréquente et précoce. L'évolution est progressive ; après dix ans, un tiers des patients martiniquais se déplace sans aide, un tiers marche avec appui et un dernier tiers est confiné au lit ou au fauteuil roulant. Une polynévrite ou une polymyosite souvent infracliniques sont notées dans 20 % des cas.
Enfin, HTLV 1 est responsable de troubles multisystémiques souvent asymptomatiques : uvéite, alvéolite lymphocytaire, syndrome sec. Le diagnostic formel repose sur une sérologie HTLV 1 positive en ELISA et confirmée par le western blot dans le sérum et le LCR, où il existe souvent une pleiocytose lymphocytaire modérée (inférieure à 50 cellules/μl). La protéinorachie est normale ou discrètement augmentée et l'électrophorèse des protéines retrouve fréquemment des bandes oligoclonales et une SIT en IgG. L'IRM médullaire montre généralement une atrophie de la moelle dorsale. Son intérêt principal est d'éliminer une compression médullaire et, plus particulièrement aux Antilles, une myélopathie sur canal cervical étroit.
Aucun traitement spécifique de la TSP/HAM n'a d'efficacité prouvée et, à l'heure actuelle, seul un traitement symptomatique est envisageable.
L'examen clinique méticuleux, les sérologies sériques et intrathécales, et l'IRM médullaire conduisent habituellement au diagnostic de ces trois myélopathies infectieuses.
La prévention joue un rôle important dans ces pathologies : dépistage systématique des donneurs de sang et rapports sexuels protégés pour le HTLV 1 et le VIH, dépistage des femmes enceintes pour le HTLV 1 en région d'endémie, protection des parties découvertes lors de promenades en forêt dans les zones d'endémie de la maladie de Lyme. La trithérapie chez les patients infectés par le VIH pourrait prévenir la myélopathie vacuolaire en maintenant ou en restaurant une bonne immunité. La physiopathologie de la TSP/HAM demande à être mieux connue afin de débuter des protocoles d'études thérapeutiques par antiviraux ou immunosuppresseurs.
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