« La médecine n'a pas pas pour vocation de mutiler des individus sans motif médical sérieux, de surcroît des enfants. » La condamnation du Pr Henrion est définitive. Il n'est pas question d'admettre la médicalisation des pratiques de mutilations : intervention en milieu médical, sous anesthésie et dans des conditions d'hygiène et de surveillance suffisantes. L'Organisation mondiale de la santé (OMS), le Comité inter-africain, le Conseil de l'Ordre des médecins, la Fédération internationale de gynécologie-obstétrique et, plus récemment, la Société américaine de pédiatrie ont également dénoncé une telle proposition.
Il reste que ces pratiques traditionnelles, répandues en Afrique et en Asie, concernent également la France. Quelle conduite adopter ? Quelle doit être l'attitude du médecin ? Les mutilations souvent rituelles mettent en danger la santé, et parfois la vie, des femmes et des enfants et sont une atteinte à leur dignité. Aucun argument ne saurait les motiver. Le médecin, s'il doit prévenir et participer à d'éducation sanitaire des familles, ne doit cependant pas hésiter à avoir recours au signalement. Telles sont les conclusions du Pr Roger Henrion, dans une communication présentée hier à l'Académie de médecine.
Excision et infibulation
Les mutilations sont fréquentes et concernent 130 millions de femmes dans le monde. En France, selon les associations, il existerait aujourd'hui de 20 000 à 30 000 femmes et 10 000 fillettes mutilées ou menacées de l'être.
Deux sortes de mutilations existent : l'excision et l'infibulation. La première consiste en une ablation plus ou moins complète du clitoris et des petites lèvres. Les rapports, même difficiles restent possibles. L'infibulation est plus mutilante avec, comme résultat, la disparition de la vulve, remplacée par une cicatrice fibreuse. L'excision est complétée par la section des grandes lèvres dont les deux moignons sont rapprochées bord à bord. Il ne persiste alors qu'un pertuis (de la taille d'un crayon) pour l'écoulement des urines et des règles. Les rapports sont dans ce cas impossibles. Au moment du mariage, une matrone, ou le mari, est chargée d'ouvrir la cicatrice à l'aide d'un instrument coupant.
Les conséquences peuvent être immédiates : douleur, hémorragie, choc, rétention d'urine. Les infections secondaires sont fréquentes, pouvant aller jusqu'à la septicémie ou la gangrène gazeuse. Le risque de tétanos, de contamination par le VIH ou l'hépatite B et C existe.
Les mutilations laissent des séquelles physiques : stérilité, troubles gynécologiques et de la vie sexuelle (douleurs chroniques, dysménorrhées, frigidité, dyspareunie, anorgasmie), infections urinaires chroniques. A ce stade, elles doivent être dépistées. Le médecin peut réparer en incisant la cicatrice jusqu'à l'urètre. Les conséquences obstétricales observées en France sont les déchirures du périnée et les lésions du rectum.
Interdites en France, elles relèvent, depuis 1983, de la cour d'assises, avec des peines de 10, 15 et 20 ans. La loi s'applique même si l'infraction est commise hors du territoire de la République.
Pour le médecin, la situation est claire : il s'agit de sévices infligés à un mineur et l'article 226-14 précise que le secret médical n'est pas applicable dans ce cas. Selon le code de déontologie (article 33), « le médecin doit être le défenseur de l'enfant lorsqu'il estime que l'intérêt de sa santé est mal compris ou mal préservé par son entourage ». S'il a connaissance de l'imminence d'une mutilation et qu'il ne saisit pas les autorités administratives, il peut être poursuivi pour non-assistance à personne en danger.
Le Pr Henrion évoque également les mariages forcés des filles avant la puberté (10-12 ans). Qualifiés de « viols organisés et prémédités », ils sont un risque de grossesses précoces avec ses conséquences pour la mère et pour l'enfant. Là aussi, le rôle du médecin dans le dépistage et le signalement est important.
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