ON N'AVAIT PAS VU depuis longtemps une telle affluence à la salle Pleyel. Le retour à Paris de l'orchestre fondé par Daniel Barenboïm pour réussir l'impossible mélange entre musiciens d'Israël, de Palestine et d'autres pays arabes, a attiré un public varié, mélange de politiques de tous poils, de people, de vrais amateurs aussi car, outre l'événement politique largement médiatisé, le programme strictement musical était très alléchant. Le choix de faire se succéder Arnold Schönberg et Richard Wagner n'était évidemment pas anodin et il fut défendu par tous ces jeunes musiciens du Moyen-Orient au plus haut degré de technique et de musicalité.
On connaît l'histoire de cette phalange fondée en 1999 par le chef israélo-argentin Daniel Barenboïm, l'homme aux quatre passeports (le dernier en date est palestinien), idée humanitaire née de l'initiative du chef et de l'intellectuel palestinien Edward Saïd et consacrée par une fondation Barenboïm-Saïd établie à Séville. Le West-Eastern Divan, formé de jeunes musiciens qui, selon Daniel Barenboïm, une fois rentrés dans leurs foyers, ne peuvent pas se fréquenter, a fait son chemin. L'événement majeur a été en 2005 un concert donné à Ramallah dans des conditions très aventureuses, dont on a pu voir les péripéties dans un excellent documentaire diffusé par Arte en août, lequel a certainement joué un grand rôle dans la mobilisation du public qui s'est pressé tout au long de la tournée européenne qui s'achevait à Paris.
Des sommets de passion.
Les « Variations pour orchestre op. 31 » de Schönberg ont de quoi ravir les amateurs de la période sérielle du compositeur. C'est néanmoins un difficile exercice d'orchestre, qui met à nu chaque pupitre, l'un après l'autre. À quelques inutiles réserves près, ce fut un choc plus technique qu'esthétique, la révélation d'un professionnalisme inattendu chez un orchestre « de circonstance ».
Mais on ne pouvait pas imaginer que le si périlleux premier acte de « la Walkyrie », de Wagner, avec ses récits, ses murmures, ses violences, ses orages et son acmé passionnelle, atteindrait de tels sommets de… passion. Barenboïm, en tant que Generalmusikdirector de l'orchestre du Staatsoper Berlin, le séculaire Staatskapelle Berlin, a son réseau d'interprètes fidèles et la présence des solistes wagnériens reconnus, Waltraud Meier et René Pape (en Sieglinde et Hunding), garantissait un niveau d'excellence à la partie vocale.
Mais Paris découvrait en prime un authentique ténor héroïque wagnérien en la personne de Simon O'Neill, d'origine néo-zélandaise, que l'on avait acclamé à ses débuts français dans le rôle de Sigmund à Strasbourg l'hiver dernier (« le Quotidien » du 28 avril). Souffle inépuisable, timbre clair, puissance, héroïsme, phrasé impeccable sont les atouts vocaux de ce jeune chanteur que nous avons eu la chance d'entendre dans l'absolue fraîcheur de ses débuts wagnériens. L'orchestre, à la fois tenu en laisse et galvanisé par Barenboïm, a su montrer une belle discipline, certes pas de fosse, mais surtout une excellence de groupe comme d'individualités (les cuivres feraient rougir de honte plus d'une phalange parisienne…). Le concert s'est achevé par de touchantes embrassades du chef à tous ses musiciens avant la séparation que l'on imagine douloureuse à l'issue d'une telle tournée européenne. Et par une bonne mise au point de Daniel Barenboïm pour qui, après une telle soirée, douterait du bien-fondé d'une telle entreprise.
Salle Pleyel (01.42.56.13.13) et www.sallepleyel.fr. Prochains concerts : New York Philharmonic, dir. Lorin Maazel, les 8 et 9 à 20 heures ; Les Arts florissants, dir. W. Christie, le 10 à 20 heures ; Orchestre de l'Opéra de Paris, dir. J. Nott, le 11 à 20 heures.
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