La mucoviscidose reste la maladie génétique grave de l'enfant la plus fréquente en France. « Sur 800 000 naissances par an, on dénombre environ 190 nouveaux cas, affirme le Dr Thierry Bienvenu. Cette incidence est à pondérer puisque la fréquence de la maladie varie en fonction de l'origine ethnique de la population. »
Intervenir beaucoup plus tôt
Le plan de dépistage néonatal systématique de la mucoviscidose, mis en place fin 2001, va permettre de poser le diagnostic chez des enfants plus jeunes, dont la forme clinique de la maladie est peu évoluée. « Avant, explique le Dr Dominique Hubert, 40 % des enfants étaient diagnostiqués dans les premiers mois de la vie, dont 15 % à la naissance ; en effet, l'iléus méconial signe la maladie. Demain, 95 % des enfants mucoviscidosiques seront dépistés précocement. »
Ce projet vise à mettre fin aux prises en charge trop tardives dans des centres spécialisés. « Il va permettre, explique le spécialiste, une instauration précoce des traitements visant à lutter contre l'encombrement et les surinfections bronchiques, de corriger les troubles liés à l'insuffisance pancréatique et d'appliquer des mesures préventives efficaces pour certains d'entre eux. » Il faut intervenir bien avant que l'enfant soit déjà dénutri, ait un retard de croissance et présente des lésions pulmonaires irréversibles liées à des surinfections bronchiques itératives par Staphylococcus aureus, Haemophilus influenzae, ou de manière inéluctable par le Pseudomonas aeruginosa.
« On va insister, continue le Dr Hubert, sur une prise en charge nutritionnelle anticipée puisqu'il existe une corrélation entre l'atteinte respiratoire et l'état nutritionnel du jeune patient. »
Ce dépistage, mis en place à l'initiative de l'association Vaincre la mucoviscidose, l'Association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l'enfant (AFDPHE) et de la CNAM, est opérationnel en Normandie, en Bretagne, en région Centre et dans les Pays de la Loire. Il doit s'étendre à l'ensemble du territoire d'ici à 2002-2003. « C'est la première fois qu'on détecte une maladie pour laquelle on n'a pas de traitement curatif spécifique ; le dépistage néonatal impliquait jusqu'alors que la maladie soit fréquente, sévère et curable. Ici, on instaure le dépistage pour améliorer la qualité de vie et la survie des patients », souligne le Dr Thierry Bienvenu.
« Tous les patients bénéficient ainsi d'une prise en charge précoce et d'un suivi dans des centres de ressource et de compétence pour la mucoviscidose (CRCM). Ils proposent à tout moment aux enfants et aux familles une prévention et un traitement efficaces », affirme le Dr Dominique Hubert.
En pratique, après consentement écrit des parents et parallèlement aux autres tests néonataux, un dosage de la trypsine immunoréactive à partir d'un prélèvement sanguin est réalisé chez le nouveau-né. Lorsque la valeur dépasse une valeur seuil (en général 60 μg/ml) une analyse moléculaire est effectuée. « Cette éventualité impose d'informer chaque couple du prélèvement, ce qui n'est pas fait pour les autres tests néonatals tels que le dosage de phénylcétonurie », affirme le Dr Bienvenu.
L'analyse moléculaire s'intéresse aujourd'hui à 20 mutations considérées comme les plus fréquentes, situées sur le gène CFTR (Cystic Fibrosis Trans-membrane conductance Regulator), localisé sur le bras long du chromosome 7 et cloné en 1989 par des équipes canadiennes et américaines ; la plupart des mutations ont été identifiées par des équipes françaises.
Analyse moléculaire du gène CFTR
Dans les deux années à venir, l'objectif est d'élargir cette recherche moléculaire à 29 mutations retrouvées plus spécifiquement en France parmi le millier de mutations connues. « Par exemple, indique le Dr Bienvenu, la mutation Y122X est plus particulièrement retrouvée chez les habitants de l'île de la Réunion, où 30 % des malades sont porteurs de cette mutation. »
Si l'enfant est porteur d'une seule mutation, il aura un test de la sueur. S'il est négatif, on conclura qu'il ne s'agit pas d'une mucoviscidose mais d'un porteur sain hétérozygote. « La mutation R117H est présente chez des personnes qui n'expriment pas la maladie, chez d'autres cette mutation est associée à des formes classiques mais aussi à des symptômes particuliers : chez le garçon, elle peut être liée à une agénésie bilatérale des canaux déférents, responsable de stérilité mais sans signes respiratoires ni digestifs », explique le Dr Dominique Hubert. Le choix a été de maintenir cette mutation dans le kit de dépistage pour élargir le diagnostic à certaines mucoviscidoses atypiques.
« Il convient de souligner qu'en dépit d'une recherche négative de mutation tout enfant dont le prélèvement aura objectivé une valeur de trypsine immunoréactive élevée aura un test à la sueur. Il faut bien comprendre, insiste le Dr Bienvenu que ce dépistage se fait en trois étapes : dosage de trypsine immunoréactive, analyse moléculaire et test à la sueur dans trois laboratoires différents.
De plus, indépendamment des mutations recherchées, incluses dans le panel du dépistage, des patients très ciblés bénéficieront d'une recherche plus approfondie sur la totalité du gène pour identifier les mutations en cause », explique le Dr Bienvenu. Dans cette optique, le ministère de la Santé a financé un réseau de génétique dont l'objectif est de détecter les mutations chez près de 100 % des patients atteints de mucoviscidose.
Le gène CFTR code pour une protéine, un canal chlorure, qui lui-même régule l'activité d'autres canaux ioniques. Le mécanisme d'action de cette protéine est aujourd'hui clairement identifié. Malheureusement, les perspectives thérapeutiques curatives à court terme sont quasi inexistantes.
« En effet, la découverte de ce gène avait suscité un grand enthousiasme, avec l'espoir d'une thérapie génique », explique le Dr Hubert.
Mais les équipes de recherche se sont heurtées à un grand nombre de difficultés, notamment le transfert du gène dans les cellules, l'utilisation de vecteurs viraux ou inertes ; de graves complications, liées à des adénovirus utilisés comme vecteurs dans des essais de thérapie génique aux Etats-Unis, ont retardé les recherches.
« Le gène, pour s'exprimer correctement, doit se placer au pôle apical de la cellule épithéliale, continue le Dr Hubert ; or,l'abondance des sécrétions bronchiques complique souvent l'administration du gène et de son vecteur ; de plus, le gène persiste le temps de la durée de vie cellulaire. Il faut donc renouveler les injections avec des risques de toxicité liés au vecteur viral. A chaque réadministration, on observe une diminution de l'efficacité, pour des raisons immunitaires. »
La thérapie génique reste un espoir, associées à des thérapies pharmacologiques.
« Des essais cliniques sont en cours concernant des patients présentant des mutations non-sens ou stop du gène CFTR entraînant une absence de canal chlorure fonctionnel, explique le Dr Bienvenu. L'addition, initialement in vitro et ensuite in vivo , d'aminosides tels que la gentamicine changerait partiellement le phénotype de la cellule. » Ces essais constituent de nouvelles approches pharmacologiques et de nouvelles possibilités thérapeutiques.
Actuellement, le seul espoir de survie pour un patient atteint de mucoviscidose en insuffisance respiratoire sévère reste la transplantation pulmonaire. « Si la technique chirurgicale s'est améliorée, si les médicaments immunosuppresseurs sont mieux adaptés à la maladie, la survie à trois ans n'est que de 50 % ; toutefois, cette survie incite à faire bénéficier parfois les patients de nouvelles possibilités thérapeutiques », conclut le Dr Dominique Hubert.
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