De notre correspondante
à New York
La mucoviscidose est causée par des mutations du gène CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane Conductance Regulator) qui produisent une protéine membranaire CFTR dysfonctionnelle. Cette protéine sert de canal régulant le transport du chlore et du sodium dans les cellules épithéliales sécrétrices. Le tableau clinique est dominé par les infections pulmonaires chroniques, l'insuffisance pancréatique et la stérilité masculine.
Parmi les 1 000 mutations identifiées, la mutation la plus fréquente, responsable de 2/3 des cas, est une délétion au codon 508 (delta F508).
Deuxième sous-groupe le plus fréquent, les mutations « non-sens » représentent de 2 à 5 % des cas de mucoviscidose dans le monde, mais elles sont en cause chez 60 % des patients mucoviscidosiques d'origine juive ashkénaze.
La mutation non-sens du gène CFTR provoque un arrêt prématuré de la traduction du gène et produit une protéine tronquée, non fonctionnelle ou instable. Le tableau clinique est souvent sévère.
Supprimer des codons de terminaison prématurée
Pour ce groupe de mutations « non-sens » (ou « stop »), une approche thérapeutique, à l'étude, consiste à exploiter un effet de la gentamycine. Cet antibiotique, à l'instar des autres aminoglycosides, a la particularité de pouvoir supprimer des codons de terminaison prématurée. En effet, en inhibant le processus de correction par les ribosomes, elle permet à un acide aminé d'être incorporé à la place du codon « stop » et, grâce à cette incorporation erronée, la traduction peut se poursuivre jusqu'à la fin du gène.
Après avoir conduit une étude pilote ouverte, une équipe israélienne, Wilschanki et coll., publie, dans le « New England Journal of Medicine », la première étude randomisée en double insu utilisant cette approche. Cette étude évalue les effets à court terme de l'administration nasale de gentamycine. Avec un collyre ophtalmologique à 0,3 % (3 mg/ml), 2 gouttes sont instillées dans chaque narine, 3 fois par jour, dose jugée efficace selon leur précédente étude.
Dans cette étude croisée, en double insu, les patients ont été randomisés soit au placebo, soit à la gentamycine pendant une période de 2 semaines, puis ont reçu le traitement inverse pendant une autre période de 2 semaines. Cette inversion permet à chaque patient d'être son propre témoin, un atout puisque la sévérité de la mucoviscidose est très variable.
L'étude porte sur 24 patients mucoviscidosiques : 11 homozygotes pour des mutations stop, 8 hétérozygotes pour une mutation stop et 5 patients témoins homozygotes pour la délétion delta F508.
Restaure la fonction CFTR
« Nous avons constaté que le traitement par gentamycine restaure la fonction CFTR chez 90 % des patients porteurs de mutations " stop ", déclarent les investigateurs. Les anomalies électrophysiologiques causées par la mutation CFTR ont disparu chez 21 % des patients et le transport de chlore ou de sodium a été restauré chez 68 % des patients. »
La gentamycine améliore les anomalies électrophysiologiques chez les patients homozygotes ou hétérozygotes pour la mutation « stop » (avec une plus grande efficacité chez les homozygotes), mais non chez les patients témoins homozygotes pour la délétion delta 508, comme on pouvait s'y attendre.
De plus, une coloration des cellules à l'aide d'un anticorps reconnaissant la région terminale de CFTR montre une augmentation des cellules colorées après gentamycine, preuve que des protéines CFTR non tronquées ont été délivrées à la membrane apicale des cellules.
« Nous avons montré que l'exposition à court terme de l'épithélium nasal à la gentamycine est associée à un transport mesurable du chlore médié par le CFTR, concluent les chercheurs. Il reste à déterminer si des expositions plus longues seront tolérables, efficaces et sans danger. »
« Bien que les aminoglycosides soient des médicaments autorisés, leur capacité à améliorer la progression de la maladie bronchopulmonaire reste à démontrer dans des études à long terme, contrôlées par placebo », déclarent Lukacs et coll. (université de Toronto) dans un commentaire. De plus, soulignent-ils, la toxicité systémique potentielle du traitement prolongé par les aminoglycosides doit être évaluée, ainsi que les effets secondaires possibles sur la traduction d'autres gènes.
« Ces données, ajoutent-il néanmoins, ont une grande importance qui s'étend au-delà de la mucoviscidose ». En effet, des mutations non-sens ont été corrigées par les aminoglycosides dans des modèles de culture cellulaire de plusieurs maladies génétiques, dont la myopathie de Duchenne.
« New England Journal of Medicine » 9 octobre 2003, pp. 1433 et 1401.
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