L 'INFECTION par B. mallei peut provoquer une infection sous-cutanée (« farcy » des Anglo-Saxons) ou disséminée (« glanders » des Anglo-Saxons). Chez l'homme, l'infection aiguë est caractérisée par une nécrose de l'arbre trachéobronchique, des lésions cutanées pustuleuses et soit une pneumonie fébrile (si l'agent a été inhalé), soit un sepsis et des abcès multiples s'il a pénétré par la peau.
Au début du XXe siècle, la morve était une cause importante de décès chez les chevaux, avec infections secondaires, parfois mortelles, des hommes.
En raison de la nature infectieuse et mortelle de la maladie, B. mallei a été considéré comme l'agent idéal de la guerre biologique et fut utilisé à ces fins par les Allemands pendant la Première Guerre mondiale.
Sabotage biologique pendant la Première Guerre mondiale
L'Allemagne avait en effet un programme de sabotage biologique contre plusieurs pays, y compris les Etats-Unis : des cultures de B. mallei et d'agent du charbon (B. anthracis) étaient distribuées à des agents secrets dont la mission était d'infecter les troupeaux qui étaient vendus aux pays alliés. L'objectif était double : destruction du bétail et transmission à l'homme.
D'importantes mesures de contrôle ont éliminé la morve de l'Occident. Mais en raison de la réapparition de la menace d'une guerre biologique dans le monde entier, des laboratoires travaillent sur B. mallei. D'autant qu'on soupçonne des tentatives de mise au point d'aérosols de B. mallei résistants aux antibiotiques, qui pourraient devenir une menace aussi importante que le charbon. Le laboratoire de recherche sur les maladies infectieuses de l'armée américaine fait partie de ceux qui travaillent sur B. mallei. Dans ce laboratoire, un microbiologiste de 33 ans, diabétique de type 1, qui travaillait depuis deux ans sur cet agent, avait la mauvaise habitude de manipuler sans gants. En mars 2000, il développa une adénopathie axillaire gauche avec de la fièvre (38,6 °C). Un traitement de dix jours par une céphalosporine de première génération fut sans effet ; la radiographie thoracique, des cultures sur le sang et les urines furent négatives. Pendant les semaines qui suivirent, apparurent fatigue croissante, sueurs nocturnes, malaises, frissons et perte de poids. En avril, le tableau (y compris l'adénopathie) s'amenda sous clarithromycine pendant dix jours, mais réapparut quatre jours après l'arrêt du traitement. Le 2 mai, il fut hospitalisé à l'hôpital local pour décompensation acido-cétosique de son diabète. Le scanner révéla de nombreux abcès hépatiques et spléniques. Le 4 mai, une détresse respiratoire imposa la mise sous respirateur et il fut transféré à l'hôpital Johns Hopkins. A ce moment, il avait une fièvre à 40,3 °C, un pouls à 122, un murmure systolique 2/6, 8 300 globules blancs par mm3, dont 83 % de neutrophiles, un hématocrite à 25,6 %, des ASAT à 53 U/l, des ALAT à 56 U/l, des phosphatases alcalines à 197 IU/l. Les hémocultures et le produit d'aspiration d'un abcès hépatique à l'aiguille fine révélèrent un petit agent bipolaire Gram négatif qui fut identifié par l'automate comme Pseudomonas fluorescens ou P. putida. Mais des analyses plus poussées ont montré qu'il s'agissait de B. mallei, sensible à l'imipenem, à la ceftazidime et à la tétracycline.
Sous imipenem et doxycycline, l'état s'améliora rapidement ; au bout de deux semaines, l'imipenem fut remplacé par l'azithromycine et le traitement fut poursuivi pendant six mois. Au bout de ce délai, les abcès hépatiques et spléniques avaient nettement régressé ; avec un recul de douze mois, le patient est en bonne santé.
« C'est le premier cas de morve rapporté dans la littérature anglo-saxonne depuis 1949 ; il est survenu dans un contexte de recherche sur la guerre biologique », font remarquer les auteurs.
Américains, Britanniques et Canadiens ont développé des programmes de contrôle de la morve du cheval (fièvre, inflammation de la muqueuse nasale, nécrose et obstruction de l'oropharynx). Tous les cas doivent être notifiés et les animaux malades, immédiatement abattus ; les chevaux contacts sont testés (test cutané à la malléine) ; ceux qui sont positifs sont abattus ; les autres sont mis en quarantaine pendant deux à trois semaines, puis retestés.
Pas de brèche cutanée
Pour en revenir au microbiologiste américain, il ne se rappelait pas avoir eu une brèche cutanée ou un accident dans le laboratoire. Ce qui cadre avec ce qu'avait remarqué Robin dès 1906 : « Dans plusieurs cas de nos séries, il n'y avait pas d'abrasion. »
« Ce cas peut être une indication de la résurgence de maladies presque oubliées, comme la morve, la peste, la variole et le charbon », concluent les auteurs. « La recherche sur ces maladies est maintenant conduite dans davantage de laboratoires, d'où un risque accru d'exposition professionnelle. Il y a aussi la menace que quelques groupes pourraient mettre sur pieds avec succès une campagne de bioterrorisme. Il faut des ressources financières à la fois pour prévenir et pour se préparer à ces effrayantes éventualités. »
Des efforts financiers ont été réalisés aux Etats-Unis contre les « agents critiques ». « Nous avons maintenant un stock de médicaments pour combattre ces agents, avec un contrat de 40 millions de doses de vaccin antivariolique. »
« Enfin, nous devons nous préparer au bioterrorisme en expliquant ce que nous avons appris d'une pandémie de grippe : assurer la sécurité des aliments, contrôler les autres maladies infectieuses. »
« New England Journal of Medicine » du 26 juillet 2001, pp. 256-258, 257-259.
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