De notre correspondante
à New York
Les effets bénéfiques de l'alimentation traditionnelle dans les pays méditerranéens ont été suggérés pour la première fois dans la fameuse étude des Sept Pays (A. Keys). Commencée dans les années cinquante, elle montrait que les Crétois, malgré un apport élevé en graisse, présentaient un très faible taux de maladies coronariennes et de cancers, et une grande espérance de vie. Il restait à prouver que ces différences de mortalité étaient bien dues à l'alimentation plutôt qu'à d'autres facteurs du mode de vie. Depuis, des études cliniques de prévention secondaire chez des patients cardiaques ont confirmé les bienfaits de l'alimentation méditerranéenne.
Cette alimentation est caractérisée par une abondance d'aliments végétaux (légumes, fruits, noix, céréales), l'huile d'olive (mono-insaturée) comme source principale de graisse, une consommation modérée de poisson et de poulet, avec apport faible en viande rouge, et une consommation modérée de vin accompagnant les repas.
Trichopoulou (université d'Athènes) et coll. apportent une nouvelle preuve des vertus de ce régime alimentaire. Leur étude, menée sur la population grecque, confirme qu'une plus grande adhésion à cette alimentation méditerranéenne s'accompagne d'une réduction de la mortalité et, spécifiquement, par maladie coronarienne ou par cancer (après ajustement pour divers facteurs confondants, dont l'âge, l'IMC, l'activité physique, etc.).
Cette étude offre l'avantage d'être prospective, vaste et fondée sur un échantillon représentatif de la population grecque. Elle porte sur 22 043 adultes, enrôlés entre 1994 et 1999 dans la section grecque de l'étude EPIC (European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition). Dès l'enrôlement, les participants ont répondu à un questionnaire semi-quantitatif, détaillant leurs habitudes alimentaires au cours de l'année précédente, ainsi que leurs activités physiques.
Pour mesurer l'adhésion des sujets au régime méditerranéen traditionnel, les investigateurs ont utilisé une échelle qu'ils ont conçue eux-mêmes. Elle repose sur neuf composants alimentaires corrélés à un effet bénéfique ou néfaste sur la santé, d'après les études épidémiologiques.
Neuf composants alimentaires
Pour chacun des composants alimentaires bénéfiques (légumes, fruits et noix, céréales, poisson, rapport des graisses mono-insaturées sur les graisses saturées), il est attribué une valeur de 0 ou 1 selon que la consommation est supérieure ou inférieure à la consommation moyenne. Inversement, pour les composants alimentaires supposés néfastes (viande, produits laitiers gras), on attribue une valeur de 1 ou 0, respectivement, selon que la consommation est en dessous ou au-dessus de la moyenne. Enfin, pour l'alcool, la valeur de 1 est attribuée aux hommes qui boivent de 10 à 50 g/jour, et aux femmes, pour 5 à 25 g/jour. Cette échelle varie ainsi entre 0 (adhésion minimale) et 9 (adhésion maximale). Les participants ont été suivis en moyenne pendant presque 4 ans (44 mois) au cours desquels 275 décès sont survenus.
Résultat : l'adhésion au régime méditerranéen est fortement associée à une réduction de la mortalité : chaque hausse de 2 points du score correspond à une réduction de 25 % de la mortalité totale. L'association est aussi observée pour les origines coronarienne et cancéreuse (à un degré légèrement plus faible).
Considérés individuellement, la plupart des composants alimentaires du score ne sont pas liés à la mortalité, probablement parce que leur effet individuel est trop faible pour être décelable.
Dans un commentaire associé, le Dr Hu (Boston) souligne l'importance, non pas de l'huile d'olive, mais des graisses mono-insaturées et polyinsaturées, quelle que soit leur origine végétale. Il regrette la mutation rapide des profils alimentaires en Grèce et dans d'autres pays méditerranéens (consommation accrue des graisses saturées et des sucres raffinés), un éloignement des traditions alimentaires et du mode de vie qui s'accompagnent d'une hausse de l'obésité.
« New England Journal of Medicine », 26 juin 2003, p. 2599.
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