Depuis 1977, le Dr Martin Vessey publie régulièrement des données sur la mortalité d'une cohorte de femmes recrutées dans dix-sept centres du planning familial de Grande-Bretagne ou d'Ecosse, entre le 1er janvier 1968 et le 31 décembre 1974. Pour être incluses dans la cohorte initiale, les femmes devaient être âgées de 25 à 39 ans, mariées, caucasiennes et avoir utilisé soit une pilule contraceptive, soit un dispositif vaginal ou intra-utérin à visée contraceptive.
Au moment de l'entrée dans l'étude, leur consommation de cigarettes a été notée ainsi qu'un certain nombre d'autres facteurs épidémiologiques et démographiques. Après l'enrôlement, le suivi s'est fondé sur des consultations cliniques régulières et sur l'analyse des certificats de décès transmis aux investigateurs.
Cancers du col, de l'utérus et des ovaires
Sur les 17 032 femmes incluses, 889 étaient décédées au 31 décembre 2000. « Les femmes qui ont utilisé durant au moins cinq mois au cours de leur vie un contraceptif oral ont un taux de mortalité par cancer du col de l'utérus majoré d'un facteur 7, par rapport à celles qui ont eu recours à d'autres moyens de contraception », analysent les auteurs. En revanche, ces même femmes ont présenté un risque moindre de cancer du corps utérin ainsi que de cancer des ovaires.
L'équipe du Dr Vessey n'a pas retrouvé de lien entre la durée de prise de contraceptifs oraux et le risque de mortalité par cancer du sein. Le fait de fumer - y compris chez les utilisatrices de contraceptifs oraux - n'a pas non plus majoré ce type de risque.
Plus de 15 cigarettes par jour
Le risque de décès par d'autres types de cancers a aussi été analysé : celui des mélanomes semble majoré par la prise de contraceptifs et le tabagisme (les 11 cas sont survenus dans ce cadre). Celui des cancers colo-rectaux n'est pas modifié par la prise de contraceptifs, mais influencé par le tabagisme (risque relatif : 1,6) et celui des leucémies semble influencé par le tabagisme, et cela de manière inconstante. Quant au risque de cancer du poumon, il est majoré nettement par le tabagisme avec une relation dose-effet (risque relatif de 1,6 pour les ex-fumeuses, de 20 pour les fumeuses de 1 à 14 cigarettes par jour, de 38 pour les plus grosses fumeuses).
L'utilisation de contraceptifs oraux associée à un tabagisme de plus de 15 cigarettes par jour a aussi majoré de façon nette de risque de décès par maladie cardiaque ischémique. Ce même risque s'est aussi révélé significativement majoré chez les femmes qui fumaient (risque relatif 1,24, si le nombre de cigarettes quotidiennes étaient de moins de 15 et risque de 2,14 chez les plus grosses fumeuses).
L'incidence des décès par accident vasculaire cérébral hémorragique était plus élevée chez les femmes ayant pris une contraception orale pendant plus de 48 mois au cours de leur vie. Enfin, le risque de décès par maladie thrombo-embolique n'était pas majoré chez les femmes sous contraceptifs oraux.
Par ailleurs, le risque de maladies respiratoires mortelles était majoré chez les fumeuses de plus de 15 cigarettes par jour, celui des pathologies hépatiques ou pancréatiques mortelles était lui aussi majoré chez ces femmes. Enfin, le risque de mort violente ou d'accident mortel est légèrement augmenté chez les fumeuses.
Globalement, les auteurs concluent que « le risque de décès, toutes causes confondues, est très légèrement minoré (risque relatif 0,89) chez les femmes ayant utilisé un contraceptif oral par rapport à celles ayant eu recours à un autre type de contraception ».
Les auteurs reconnaissent que cette étude comprend de nombreux biais. Les contraceptifs utilisés à l'époque de l'inclusion dans l'étude, par exemple, sont différents de ceux prescrits actuellement (estroprogestatifs fortement dosés). Il est donc difficile d'extrapoler ces résultats aux femmes qui prennent actuellement une contraception orale.
« The Lancet » vol. 362, pp. 185-191, 19 juillet 2003.
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