Mort d'un père

Publié le 27/04/2003
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Georges Schapira vient de mourir à 91 ans.

Rigoureux, exigeant, d'une très grande honnêteté intellectuelle, il est de ceux qui ont contribué de manière décisive aux progrès de la « biochimie médicale », devenue, grâce à lui et à d'autres, la biologie moléculaire.
Le dernier ensemble d'ouvrages auquel il travaillait (le malade moléculaire), analysait parfaitement cette révolution, menant aux thérapeutiques moléculaires bientôt adaptées à chaque individu.
Il a fondé et dirigé durant de nombreuses années, à l'hôpital Cochin, l'Institut de pathologie moléculaire, devenu sous la direction d'Axel Kahn l'institut Cochin de génétique moléculaire.
Une équipe exceptionnelle cohérente, fidèle et productive existait alors. On y trouvait notamment Fanny Schapira, son épouse, Jacques Kruh et Jean-Claude Dreyfus.
Axel Kahn, l'un de ses brillants élèves, a cité, dans « le Monde », ses nombreux travaux pionniers : biosynthèse des protéines, métabolisme du fer, biologie moléculaire des maladies de l'hémoglobine, enzymopathologie surtout.
Enfin, non content d'être un enseignant et un chercheur, il était de tous les combats de son temps. Beaucoup se souviendront de ses engagements antistaliniens (bien avant que le 22e Congrès du PCUS ne dévoile au monde les crimes de Staline).
L'un de ses combats obsessionnels concernait Israël : il était de ceux qui croyaient que le peuple juif était beaucoup plus en danger dans l'Etat d'Israel, ayant, lui, toujours milité pour l'intégration nationale des juifs dans leur pays de résidence et de citoyenneté.
Cet « anti-sionisme » qui se traduisait par sa signature au bas de bien des manifestes, lui a valu quelques tenaces inimitiés qui l'atteignaient toujours beaucoup en raison de la sincérité de son engagement.
Ce n'était ni un mandarin ni un diplomate : lorsqu'un sujet lui tenait à cœur, il n'avait de cesse de le mettre sur la table et ce d'autant que son interlocuteur lui paraissait un opposant potentiel ou connu.
A son épouse Fanny, à son fils Pierre, à ses petits-enfants Manuel et Sébastien, nous adressons nos plus chaleureuses condoléances.

Dr Gérard KOUCHNER

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7324