CE SONT les enfants qui, majoritairement, se font mordre par des chiens. Au Royaume-Uni, 250 000 personnes (dont 5 000 postiers) vont chaque année aux urgences pour cette raison. Les mesures prioritaires pour un traumatisme aussi fréquent sont préventives et des campagnes éducatives sont menées à l'école. La plupart des attaques ne sont pas provoquées : le chien peut se sentir dérangé quand il mange, menacé ou envahi sur son territoire.
Les morsures de chien sont de plus en plus souvent objets de litige, notamment lorsqu'une suture a été réalisée sur une plaie qui aurait dû être laissée ouverte.
Les canines des chiens produisent des dilacérations des tissus et sont susceptibles d'ancrer des germes en profondeur.
La fréquence et la force des morsures dépendent des races de chiens. Les mâchoires peuvent opposer une pression de 310 KPascals (KPa) à 31 790 KPa, chez de grands chiens (rottweilers, bergers allemands…) ou chez des chiens plus petits et spécialement entraînés.
Après avoir analysé la littérature de Medline et de la bibliothèque Cochrane, les auteurs trouvent que l'attitude médicale en présence d'une morsure de chien résulte plus d'un ensemble d'opinions consensuelles que de la « médecine fondée sur des preuves » (résultats d'études randomisées).
Irriguer, débrider.
En majorité, les autorités de santé recommandent en prophylaxie l'association amoxicilline + acide clavulanique (co-amoxiclav), chez des patient sélectionnés, à haut risque d'infection, en se fondant sur la sensibilité invitro des germes transmis par les morsures de chiens. Ce traitement permet de parer aux germes trouvés dans la gueule des chiens : S.aureus, Pasteurella multocida (plus de 50 % des morsures de chiens, potentiellement mortel par septicémie). Le traitement par co-amoxiclav est justifié pour toutes les morsures de chien à haut risque.
Comme seule une plaie sur cinq par morsure de chien s'infecte, on ne réalise pas ce traitement quand les plaies sont superficielles et faciles à nettoyer et chez un patient immunocompétent.
Contrairement aux adultes, chez qui 10 % des morsures sont portées à la face et au cou, la plupart des enfants sont mordus au visage et au crâne ; 76 % affectent les joues, le nez ou les lèvres. Les jeunes enfants mordus par le chien de la maison forment le gros des décès. L'hémorragie fatale par blessure de la carotide est la cause majeure des décès avant 10 ans. La mortalité est particulièrement importante chez les nouveau-nés, lorsque les canines peuvent percer les os encore immatures.
La conduite à tenir initiale est la suivante.
On doit irriguer le plus largement possible la plaie avec de l'eau du robinet ou une solution saline.
Un débridement doux doit être ensuite réalisé, pour être en mesure d'enlever le plus de germes et de virus possible. L'irrigation est particulièrement importante si l'on ne connaît pas le statut du chien pour la rage. Un débridement adéquat et une toilette soigneuse peuvent permettre de suturer rapidement. Mais si on a des doutes sur la propreté de la plaie ou si la fermeture se révèle impossible, la suture doit être retardée. Pour les plaies sévères, un deuxième débridement de 24 à 48 heures après le premier est nécessaire pour exclure les foyers infectieux et les tissus morts résiduels.
Les plaies pénétrantes du cou et du thorax sont particulièrement dangereuses et une angiographie précoce doit être réalisée.
Contrairement aux membres, les blessures faciales peuvent souvent être fermées rapidement. Bien qu'elle soit rarement nécessaire, l'antibioprophylaxie peut réduire le risque d'infection à 1 %.
Les blessures de la main, fréquentes, sont particulières. Le débridement chirurgical doit être réalisé par un chirurgien expérimenté. Environ 20 % des morsures de la main s'infectent (contre 36 % de l'ensemble des plaies de la main) et une perte de fonction est à redouter s'il y a complication de l'infection.
Généralement, les plaies des membres et des extrémités ne doivent pas être suturées d'emblée, mais le membre doit être immobilisé et laissé en hauteur et la plaie fermée lorsqu'elle est considérée comme dénuée d'infection.
Les facteurs qui augmentent le risque d'infection sont :
– facteurs liés au terrain : alcoolisme, cirrhose, asplénie, corticothérapie, diabète, polyarthrite rhumatoïde, lymphoedème après une radiothérapie ;
– facteurs liés au caractère de la plaie : plaie vue plus de six heures après la morsure ; tissus dévitalisés ; plaie suturée d'emblée ; plaies dans l'épaisseur des tissus, impliquant des ligaments, des tendons, des articulations ; les morsures aux membres et particulièrement aux mains.
Une étude sur 769 patients consécutifs a montré que les facteurs prédictifs les plus forts d'une infection en dehors des pathologies prédisposantes sont : la profondeur de la plaie, la nécessité de réaliser un débridement chirurgical et le fait que la personne mordue soit une femme.
Le traitement d'une infection établie doit permettre de couvrir Pasteurella, le staphylocoque et les anaérobies. Les infections sévères peuvent répondre à l'imipénem plus cilastine et clindamycine jusqu'au retour des résultats de l'antibiogramme. Chez les patients allergiques à la pénicilline : ciprofloxacine plus métronidazole.
« British Medical Journal », 24 février 2007, vol. 334, pp. 413-417 et commentaires pp. 425.
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