La protéine à doigt de zinc WT1 et la tumeur de Wilms (néphroblastome)
La découverte de gènes qui jouent un rôle important dans la cancérogenèse provient parfois de l'étude de phénotypes rares qui conduisent à une localisation génique précise, puis à l'analyse des fonctions d'une protéine. C'est, par exemple, le cas du syndrome WAGR qui associe une tumeur de Wilms, une aniridie, des anomalies génitales et un retard mental à une délétion du chromosome 11. L'analyse de la région délétée a conduit à cloner un gène majeur pour ce syndrome : le gène WT1 qui code pour une protéine contenant des doigts de zinc.
Un doigt de zinc est une structure protéique dont la forme rappelle celle d'un doigt et dont le mode d'action est variable. Certaines de ces protéines agissent comme des facteurs transcriptionnels ; d'autres peuvent lier l'ARN et intervenir au cours de son métabolisme ; enfin, certaines sont impliquées dans les interactions protéine-protéine.
WT1 joue un rôle majeur dans le contrôle du développement des appareils urinaires et génitaux (la pratique de l'invalidation de ce gène chez la souris a confirmé cette fonction). Par ailleurs, cette protéine est connue pour jouer un rôle suppresseur de tumeur (ou anti-oncogène). Si une cellule somatique rénale n'exprime plus WT1, elle devient tumorale et un néphroblastome se développe. C'est par ce mécanisme que l'on explique l'émergence des néphroblastomes familiaux entrant dans le cadre de syndromes précis (comme c'est le cas pour le syndrome WAGR). Pour les néphroblastomes sporadiques, il semblerait que le gène WT1 soit impliqué dans environ 10 % des cas.
Le gène Nkx3.1 et la prostate
Le gène Nkx3.1 chez la souris - correspondant au gène NKX3.1 chez l'homme - code une protéine à homéodomaine, impliquée dans le développement embryonnaire et la différenciation cellulaire. Cette protéine est exprimée par de nombreuses structures embryonnaires et, en particulier, au niveau du tractus uro-génital par les cellules épithéliales de la prostate et des glandes bulbo-urétrales au cours du développement et chez l'adulte. L'invalidation du gène Nkx3.1 chez la souris mâle entraîne, à l'état homozygote, des anomalies du développement de la prostate dont le nombre de canaux est réduit et des anomalies des sécrétions des glandes prostatique et bulbo-urétrales. Au cours du vieillissement de ces souris - tant chez les homozygotes que chez les hétérozygotes - il apparaît de façon constante une hyperplasie, voire une dysplasie épithéliale de la prostate. Mais, dans cette souche murine, aucune cancérisation prostatique n'est constatée.
Les spécialistes du développement ont aussi construit une lignée de souris dont le gène Nkx3.1 est muté après la puberté. Dans ces conditions, il n'y a pas d'anomalies du développement de l'appareil génital et on observe pourtant des lésions de cancers intra-épithéliaux. C'est donc la preuve que ceux-ci sont bien liés au défaut génique et non au désordre du développement.
Plus récemment, des souris mutées pour le gène Nkx3.1 ont été croisées avec des souris mutées pour le gène suppresseur de tumeur Pten. Ce gène est connu pour induire des cancers de la prostate à l'âge adulte lorsqu'il a subi une mutation. Les chercheurs ont noté que les doubles mutants (Nkx3.1 +/- ; Pten +/- et Nkx3.1 -/- ; Pten +/-) présentent des lésions multifocales caractérisées par la présence de cellules peu différenciées avec des nucléoles proéminents et multiples, une augmentation du ratio nucléo-cytoplasmique et une augmentation du nombre de mitoses. Par ailleurs, on note dans ces lésions une augmentation de la vascularisation et un accroissement de l'index de prolifération. Ces lésions représentent des carcinomes précoces. En se fondant sur ces découvertes, les spécialistes du développement proposent un modèle en deux temps d'apparition des cancers de la prostate mettant en jeu un gène responsable du développement et un gène dont les mutations ne s'expriment qu'à l'âge adulte : la perte de fonction de Nkx3.1 est responsable de l'amorce du processus alors que celle de Pten entraîne sa progression.
Les 30 et 31 mai
Vendredi 30 et samedi 31 mai auront lieu à Paris les « Journées morphogenèse », organisées par l'Association des morphologistes.
Lieu : faculté de médecine Cochin - Port-Royal, 24, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris.
Renseignements (secrétariat scientifique): 01.44.41.23.56 ou morpho2003@teso.net
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