Lorsqu'un patient nous dit : « Je suis désolé Docteur, j'ai oublié mon chéquier et je n'ai pas d'argent sur moi », lorsque le même nous rapporte le lendemain notre dû, nous nous disons : « Voilà quelqu'un de bien… Il a une parole. »
Nous sommes tous consciemment ou inconsciemment dans l'attente de situations où nous rencontrons des êtres qui tiennent parole.
Rien n'est plus rassurant et dans le même temps plus réconfortant que de pouvoir compter sur d'autres personnes que nous-même ou nos proches. Il n'y a peut-être que les sots qui ne changent pas d'avis, mais lorsqu'il est question de la parole que l'on donne, on s'accordera à penser qu'il est toujours plus louable d'éviter de tenir un jour un discours et le lendemain son contraire.
Parmi les promesses qu'un candidat à une élection présidentielle est amené à formuler, il y a celles des choses qu'il envisage de faire, et à côté de celles-ci, celles des choses qu'il s'engage à ne pas faire.
Dans le discours tenu par Monsieur Macron, le tiers payant généralisé appartenait à cette dernière catégorie.
Emmanuel Macron, candidat avait bien précisé : « Je n'imposerai* pas cette mesure parce que je sais que l'ensemble de la profession y est hostile et je comprends l'inquiétude des praticiens qui redoutent, si elle était rendue obligatoire, une surcharge administrative de travail qui viendrait alourdir leur emploi du temps déjà bien rempli et qui aurait pour conséquence d'empiéter sur le temps médical consacré à la consultation de leurs patients. »
Sa ministre de la Santé, l'ayant sans doute entendu tenir ces propos et probablement parce que le sujet n'avait pas été débattu entre eux, dans une première déclaration au nom de son ministère, le 7 juillet 2017, annonça sur RTL qu'il n'était pas question qu'elle imposât quoique ce soit à la profession en matière de tiers payant généralisé.
Elle précisait de plus que cela n'était pas dans ses manières d'agir, et laissait sous-entendre que le bon sens autant que le respect seraient toujours présents dans les démarches dont elle aurait la charge. Et sur ce point, on la croit sincèrement.
Or, il se trouve que Madame Buzyn a dit ceci un jour pour, la semaine suivante, se raviser.
Alors, dans ce court intervalle de temps, que s'est-il passé ?
Aucune école n'enseigne réellement le difficile métier de président de la République et l'on peut concevoir que l'apprentissage de cette profession, si ce nom peut lui être attribué, se fasse au jour le jour, en plein cœur de l'action, et qu'il est truffé de pièges qui ne sont certainement pas toujours aisés à éviter.
Un président est certainement l'objet de pressions complexes. Il doit subir de multiples influences et ne peut se soustraire totalement aux discours de ses nombreux conseillers.
Pourtant, dans toutes les situations que le cours de son exercice l'amène à traverser, le président a le devoir de trancher.
Le rapport demandé à l'IGAS sur le sujet de la pertinence et de l'acceptabilité ou non d'un tiers payant généralisé obligatoire doit être rendu à l'automne 2017, c’est-à-dire dans quelques semaines.
Généralisé, il sera obligatoire ; généralisable, son application restera au libre choix du praticien.
En conséquence, on ne peut pas dire que Monsieur Macron a pour le moment failli à sa parole. Mais on pressent qu'il s'est engagé sur un chemin où il pourrait être amené à le faire.
Si l'on voulait imager cette situation, on pourrait simplement dire qu'entre la campagne présidentielle et maintenant, le candidat devenu chef de l'État a simplement retourné sa touloupe... mais il ne l'a pas encore enfilée.
Si le rapport de l'IGAS est honnête, il ne plaidera pas pour la généralisation obligatoire du tiers payant. Celui-ci sera laissé au libre choix du praticien.
C'est probablement cette option qui sera retenue et tous les médecins pourront se réjouir de ce verdict, du moins pendant un temps.
Par contre, si l’IGAS estimait que le tiers payant est applicable, on pourrait alors dire avec certitude que Monsieur Macron n'a pas tenu sa parole.
* Il évoquait alors la possibilité d'un tiers payant généralisable, c'est-à-dire non obligatoire.
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