L'histoire est celle d'un jeune homme de 20 ans qui est hospitalisé pour un tableau qui dure depuis trois jours, associant fièvre, maux de gorge, dyspnée et malaise.
On apprend que, dix jours avant l'admission, il est tombé sur le côté gauche, s'est rendu aux urgences, a eu des radiographies qui ont éliminé des fractures de côtes mais a été gardé une nuit en observation en raison de l'intensité de ses douleurs.
Lors de la nouvelle admission, il a 39,7 °, présente une lymphadénopathie généralisée, une pharyngite non exsudative, une hépatomégalie modérée et une splénomégalie (débord de 2 cm). Il est pâle mais semble « bien » ; sa tension est à 115/95 mmHg et son pouls à 96. A l'examen, on note une sensibilité des hypochondres droite et gauche.
Hémoglobine à 10,9 g/dl
Son hémoglobine est à 10,9 g/dl, ses globules blancs à 11 200, dont 70 % de lymphocytes avec nombreux lymphocytes anormaux. Le test de Paul-Bunnel est positif le lendemain de l'admission ; le diagnostic de mononucléose, posé cliniquement, est confirmé le jour suivant, la sérologie pour le virus d'Epstein Barr étant positif (IgM).
Le matin qui suit l'admission, le patient est réexaminé. Il est cliniquement stable. Mais on ne peut pas laisser passer l'association mononucléose + douleurs abdominales + sensibilité à l'examen + histoire traumatique récente. On demande donc en urgence une échographie abdominale, qui est réalisée le matin même. Bien vu : il existe une rupture de rate avec hématome sous-capsulaire mais sans hémorragie péritonéale. Direction le bloc opératoire où l'on réalise une splénectomie. Les suite sont simples. La rate pèse 588 g (normale : 200 g) ; à l'histologie, il existe une infiltration lymphoïde massive.
A noter qu'il s'est passé 18 heures entre l'admission et l'intervention et que, pendant ce laps de temps, le patient est resté stable sur le plan hémodynamique.
« Ce cas illustre une complication rare mais potentiellement fatale de l'infection par virus d'Epstein Barr. La rupture de rate survient dans 0,1 à 0,5 % des cas de mononucléose infectieuse ; la mortalité atteint 30 %, en général du fait d'un retard diagnostic. La rupture survient toujours en cas de splénomégalie, qui est présente dans la moitié des cas de mononucléose infectieuse », indiquent les auteurs.
La rupture « spontanée vraie » de rate est rare dans la mononucléose infectieuse. Dans la majorité des cas, en effet, les patients ont une histoire de traumatisme dans les jours précédents. Mais attention : ce traumatisme peut être mineur (se retourner dans son lit, tousser, vomir, déféquer). Le risque le plus important se situe dans la deuxième ou la troisième semaine, quand les modifications histologiques de la rate sont à leur maximum. Cela dit, des ruptures de rate sont survenues avant même l'apparition des symptômes, dans les cas où le diagnostic de mononucléose est fait en laboratoire.
Dans l'observation rapportée ici, il est vraisemblable que la rupture est survenue dès la première semaine, résultant du traumatisme gauche et des modifications histologiques de la rate. Le diagnostic de rupture de rate a été retardé du fait de la stabilité hémodynamique et du manque de coexistence de symptômes de mononucléose.
« La rupture de rate dans la mononucléose se manifeste invariablement par des douleurs abdominales avec sensibilité à l'examen et signes variables d'irritation péritonéale.
Les douleurs abdominales sont rares dans la mononucléose non compliquée, même en cas de splénomégalie - 1 à 2 % des cas selon Hoagland. Leur survenue chez un patient ayant un diagnostic récent de mononucléose (ou des arguments clinique ou biologiques la suggérant) devraient toujours conduire à faire en urgence une échographie ou un scanner de l'abdomen. Les patients peuvent avoir mal dans l'hypochondre gauche ou droit et environ la moitié a également mal dans l'épaule gauche (signe de Kehr). Une tachycardie et une hypotension peuvent également être présentes (elles aussi sont rares dans la mononucléose non compliquée, quoique, chez ce patient, un fait salutaire a été l'absence de toute défaillance hémodynamique. »
Echographie ou scanner d'urgence
Les patients qui ont une rupture de rate ont le plus souvent une splénectomie en urgence ; quelques travaux suggèrent que, chez les patients cliniquement stables et sans contracture, une prise en charge conservatrice pourrait être appropriée, rappellent les auteurs.
La rate reste histologiquement anormale pendant longtemps après l'amélioration des symptômes de la mononucléose. Certains auteurs ont donc recommandé que les patients qui ont une grosse rate s'abstiennent d'activité physique pendant deux à trois mois après la maladie, voire même six mois chez les athlètes.
« Notre cas illustre, d'une part, l'importance d'une évaluation soigneuse des patients atteints d'une mononucléose infectieuse et qui présentent des douleurs abdominales, d'autre part, la nécessité d'un haut index de suspicion de rupture de rate chez ces patients, même en l'absence d'instabilité hémodynamique », concluent les auteurs.
Ann Chapman et coll. « BMJ » du 16 mars 2002, pp. 860-861.
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