CINQ COMMISSAIRES d’exposition. Il n’en fallait pas moins pour mener à bien le projet de la grande rétrospective Monet. Car l’œuvre du peintre est magistrale à plus d’un titre. Pendant plus de soixante ans, l’artiste travailla sans relâche à approfondir ses recherches sur la couleur et la lumière, et en même temps, à libérer son instinct et ses sensations. Il révolutionna la manière de voir et de peindre.
Il n’est pas d’autre sujet qui envoûta davantage Monet, dès les premières années de sa vie d’artiste, que le paysage, celui des villes et celui des champs. Initié à la peinture de plein air par Boudin et Jongkind, c’est en Normandie qu’il pose d’abord ses pinceaux dans les années 1860 et que son œil absorbe avec gourmandise les plages à perte de vue ou les bateaux rentrant au port. Déjà, la légèreté avec lesquelles ses toiles suggèrent l’air, l’eau et la nature sont saisissantes. « C’est à force d’observations, de réflexions, que l’on trouve », écrit Monet à Frédéric Bazille en 1864. À Argenteuil, dans les années 1870, le peintre atteint la plénitude de son style, en étant à la fois à l’écoute de ses sensations pures et dans l’observation aiguë de ce qu’il contemple.
Mais son intérêt va se porter également vers les sujets urbains, la banlieue et sa modernité, les usines et les ouvriers, les trains et les ponts. À Paris, il s’attache à montrer l’évolution de la ville. Ce seront les séries du chemin de fer de Saint-Lazare, où se lit toute « la poésie des gares », comme l’écrit Zola. L’animation des quais de Seine, les rues pavoisées, les Parisiens en promenade seront pour lui le prétexte à laisser libre cours au pinceau pour figurer le mouvement.
Tout change.
Puis vient le retour à la nature. Monet s’installe à Vétheuil, dans le Val d’Oise, où il peindra toutes les saisons, notamment l’hiver 1879, les blocs de glaces sur la Seine qui vont donner vie à une somptueuse série. Après quoi il résidera longuement en Normandie, fasciné par les falaises, qui « sont ici comme nulle part ». Le même motif de ces parois tombant dans la mer est répété de nombreuses fois et permet à Monet de développer toutes sortes d’audaces, notamment de créer des couleurs fabuleuses (voir le vert électrique du magnifique « Sur la falaise à Pourville » et le blanc captivant de « Gros temps à Étretat »). À la fin des années 1880, il se rend à Antibes sur la Côte d’Azur et éprouve une lumière encore différente. Pour peindre ces tonalités, « il faudrait une palette de diamants et de pierreries », écrit-il dans une de ses correspondances. Dans la Creuse en 1889, l’artiste peindra dix fois le même rocher, comme pour annoncer la décennie suivante, où se succéderont des séries de meules, peupliers, cathédrales… « Tout change, quoique pierre », confie-t-il joliment à sa femme Alice en 1893.
Le parcours de l’exposition est à la fois chronologique et thématique, ce qui la rend instructive et l’empêche d’être rébarbative. Sont rassemblés des chefs-d’œuvre qui n’ont pas l’habitude de se côtoyer. La salle consacrée aux « Figures et portraits » réunit « le Déjeuner sur l’herbe » et « les Femmes au jardin », qui ne quittent jamais le musée d’Orsay. Ces toiles sont confrontées à des scènes d’intérieur ou de plein air de la même période, provenant des plus prestigieux musées (« le Déjeuner sur l’herbe » du musée Pouchkine de Moscou, « les Promeneurs » de la National Gallery de Washington, « le Dîner » de la Fondation Bührle de Zurich…).
La Tamise et ses « beaux effets », Venise et ses tonalités bleutées (magnifique accrochage des tableaux inspirés par la Cité des Doges), conduisent subtilement à la dernière partie du parcours, consacrée aux jardins, aux nymphéas et aux grandes décorations. Installé définitivement à Giverny en 1882, Monet retranscrit jusqu’à la fin de sa vie la nature changeante de son jardin enchanteur, en exécutant de petites touches rapides pour figurer l’aspect fugitif des choses et les variations atmosphériques. L’équilibre des couleurs, la légèreté de la matière, la capacité à capter la lumière, trouvent leur apothéose dans ces tableaux de feuillaisons et de bosquets. Dans les jardins comme sur les toiles, la même luxuriance et la même liberté.
Une somptueuse promenade à travers l’œuvre d’un immense artiste, dont la règle d’or fut de peindre tout ce qu’il voyait avec « l’impression de ce qu’il ressentait ».
Grand Palais. Tlj de 10 à 22 heures (mar jusqu’à 14 heures, jeu jusqu’à 20 heures). Entrée 12 euros (TR 8 euros). Jusqu’au 24 janvier 2011.
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