S'ajoutant aux observations antérieures, les résultats de C.M. Albert et coll., publiés dans le « New England Journal of Medicine », invitent à une prévention cardio-vasculaire générale, facile et peu coûteuse, par la consommation de poisson ou de suppléments en acide gras oméga-3.
Les acides gras oméga-3 à longue chaînes polyinsaturés (eicosapenténoïque et docosahexaénoïque) trouvés dans le poisson, on le sait depuis longtemps, sont bénéfiques pour le système cardio-vasculaire. Les données expérimentales ont révélé leurs propriétés antiarythmiques. Chez l'homme, les observations épidémiologiques ont montré que les populations consommatrices de poissons gras (Inuits) ont peu de maladies cardio-vasculaires, pour un taux de lipides sanguins élevé.
Jusque-là, les études cliniques d'intervention ont donné des résultats dans la prévention de la mort subite en cas d'antécédents cardio-vasculaires. L'essai le plus récent, GISSI chez 11 323 patients (« le Quotidien » du 9 avril 2002), montre une diminution de moitié du risque de mort subite chez des survivants d'infarctus du myocarde, pour l'équivalent de la prise d'une portion par jour de poisson gras (thon, maquereau ou saumon).
Risque réduit de 81 %
Maintenant, la démonstration est faite chez des patients tout venant : le risque de mort subite est réduit de 81 % pour ceux dont les taux sanguins en oméga-3 sont situés dans les quartiles les plus élevés.
C.M. Albert et al. sont parvenus à ce résultat en réalisant une analyse cas-contrôle, prospective, chez des hommes apparemment en bonne santé faisant partie de l'étude des « Physician's Health Study ». Brièvement, cette étude, commencée en 1982, a pour but de suivre 22 071 médecins, âgés initialement de 40 à 84 ans, sans antécédents d'infarctus du myocarde, d'AVC, d'AIT ou de cancer. Ils prennent de l'aspirine ou du bêtacarotène, ou les deux, ou un placebo.
Les résultats présentés ici concernent des personnes suivies pendant 17 ans.
On a mesuré la composition en acides gras d'échantillons sanguins, collectés au moment de l'inclusion, de 94 hommes chez qui une mort subite est survenue comme première manifestation de maladie cardio-vasculaire et chez 184 sujets contrôles, appariés pour l'âge et le statut tabagique.
C'est ainsi qu'il apparaît que les taux d'oméga-3 sont inversement corrélés au risque de mort subite, aussi bien dans l'analyse après ajustement par l'âge et le tabagisme, que dans l'analyse multivariée.
Une relation linéaire
La comparaison des hommes ayant des taux d'oméga-3 dans les quartiles les plus bas (3,58 % du total des acides gras) et de ceux situés dans les quartiles les plus élevés (6,87 %) montre un avantage pour les seconds sous la forme d'un risque relatif de mort subite de 0,19 après ajustement pour les valeurs confondantes connues. C'est-à-dire une réduction du risque de 81 %. Ensuite, la relation inverse entre les oméga-3 et la mort subite est linéaire tout en suivant les quartiles.
A part ça, on note que les taux sanguins d'oméga-3 sont significativement plus bas chez les fumeurs que chez les non fumeurs. Et que comparativement aux contrôles, la part des acides gras à longue chaîne est plus basse chez les patients ayant eu une mort subite (5,24 versus 4,82 % du total des acides gras). Les concentrations des autres acides gras n'apparaissent pas significativement différentes.
Et on s'aperçoit que les sujets décédés de mort subite avaient plus souvent une histoire d'hypertension, ou des antécédents familiaux de maladie coronaire, et étaient moins souvent assignés à recevoir de l'aspirine.
Une explication physiopathologique est avancée : les acide gras oméga-3 agiraient, pour une part, par leur effet antiarythmogène, par une modulation des canaux sodium et potassium et aussi par une inhibition de la production de thromboxane.
« New England Journal of Medicine », vol. 346, n° 15, 11 avril 2002, pp. 1 113-1 117.
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