C’est un des effets collatéraux de la crise financière de 2008, et qui affecte durement les hôpitaux. Pour éviter qu’une nouvelle crise des subprimes ne fragilise de nouveau le monde financier et bancaire, les banquiers centraux et les régulateurs bancaires sont parvenus en septembre 2010 à un accord dit de « Bâle III ». Il oblige les banques à tripler le montant de leurs fonds propres de meilleure qualité. Selon notre confrère Latribune.fr, « aux termes de cette réforme, dite de “Bâle III”, les banques devront porter le ratio de leurs fonds propres de meilleure qualité, correspondant aux actions ordinaires et aux bénéfices mis en réserve, encore appelé “ratio core tier 1”, à 4,5 % de leur total des actifs pondérés en fonction de leurs risques contre 2 % actuellement. Elles devront constituer en sus un “matelas de précaution” sous forme d’actions ordinaires et représentant 2,5 % du total de bilan. Le montant minimal des fonds propres de meilleure qualité sera ainsi porté à 7 %. »
Resserrement de l’accès aux crédits
Si cette réforme bancaire peut sembler aux antipodes du monde hospitalier, elle a eu des répercussions souvent néfastes pour les chefs d’établissement. Depuis un peu plus d’un an, du fait des accords Bâle III, l’accès au crédit s’est considérablement restreint pour les hôpitaux et les collectivités territoriales. « Il y a très clairement un resserrement des conditions de crédit face au marché bancaire, tant en termes de taux et de montants. L’accès au crédit est restreint notamment par la mise en place de Bâle III. Les collectivités comme les hôpitaux ne peuvent pas placer leur trésorerie dans les banques, ce qui oblige les banques à avoir une mobilisation de fonds propres beaucoup plus importante. Par conséquent, elles sont plus rétives à leur accorder des crédits », explique Arnaud Dura, analyste pour l’agence de notation Fitch. Et tous les chefs d’établissement, comme un seul homme, en subissent les conséquences. « Actuellement, j’ai beaucoup d’échos provenant d’hôpitaux qui, même dans une très bonne situation financière, ont du mal à emprunter », détaille Philippe Blua, président du Syndicat des manageurs de santé publique (SMPS). « Il y a en effet un problème d’accès au crédit. Les banques demandent maintenant des ratios d’endettement, et un certain nombre d’établissements ont pu avoir des difficultés accrues pour trouver des prêteurs, et à des conditions moins favorables. Les ARS sont au courant, mais les chefs d’établissement ne communiquent pas beaucoup sur le sujet, de peur d’effrayer les banques », lui répond en écho Michel Rosenblatt, secrétaire général du Syncass-CFDT. « On observe une tendance à la hausse du prix de l’argent. Par ailleurs, les propositions bancaires sont moins nombreuses, et les sommes prêtées ne sont pas à la hauteur des sommes demandées. Certains de mes collègues rencontrent actuellement des difficultés très concrètes, soit sur des lignes de trésorerie, soit sur des demandes d’emprunt », renchérit Frédéric Boiron, président de l’Association des directeurs d’hôpital (ADH). Philippe Blua, lui-même, a rencontré des difficultés en temps que chef d’établissement. « Je vis cette situation dans un hôpital dont je m’occupe, l’hôpital de Saint-Omer, qui est en excédent sur le plan budgétaire. Cette année, nous avons eu un excédent de plus de 500 000 euros, pour un budget de 84 millions. C’est la troisième année consécutive que nous sommes en excédent. Notre endettement est quasi nul. Mais nous avons eu le plus grand mal en fin d’année pour lever la somme de 1 700 000 euros. Nous avons par ailleurs dû interrompre un chantier pour une histoire d’un million d’euros parce que nous n’avons aucune réponse des banques. C’est un chantier de développement d’un service d’alcoologie. C’était fin décembre. » Plus inquiétant, cette restriction des crédits semble concerner l’ensemble des établissements bancaires : « En général, nous traitions soit avec Dexia, soit avec la Caisse d’épargne… Mais là, nous avons contacté 19 banques ! Aucune ne nous a répondu favorablement ! »
Lignes de trésorerie coûteuses
Plus grave : non seulement les hôpitaux ont de plus en plus de mal à décrocher des emprunts, mais ils rencontrent également des difficultés pour faire financer leurs lignes de trésorerie. « Je connais un hôpital pour lequel le problème était plus grave, puisqu’il s’agissait de financer des lignes de trésorerie. C’était en novembre. Ils ne savaient pas comment ils allaient payer les salaires de novembre. Et ce n’était pas un hôpital confronté à un déficit monstrueux… » Ce que confirme Arnaud Dura, de Fitch : « On serait plus circonspect sur l’offre de ligne de trésorerie concernant les hôpitaux que sur l’offre de crédit long terme. Bâle III affecte aussi les lignes de liquidité, dont les hôpitaux ont besoin, puisque leurs trésoreries présentent beaucoup d’irrégularités et de cyclicité. Elles ont donc besoin d’être couvertes par l’existence de lignes bancaires, ce que les banques hésitent de plus en plus à fournir, compte tenu du coût de ces lignes. Elles sont soit très chères, soit inexistantes. » L’AP-HP en a fait l’expérience cette année, puisque le financement de sa ligne de trésorerie, cette année, surenchéri : « Nous avons renouvelé nos lignes de trésorerie début janvier, dans des conditions du marché plus coûteuses que ce que l’on nous proposait auparavant. Cela va nous coûter plus cher d’une centaine de points de base. C’est général. Les nouvelles réglementations bancaires sont plus exigeantes en matière de contrepartie, que les banques doivent apporter en cas d’ouverture de lignes de trésorerie. La ligne de trésorerie revient plus cher aux banques, donc ils nous les facturent plus cher. »
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