De notre correspondante
à New York
«C ETTE étude fournit la plus solide évidence à ce jour, indiquant que l'organisme adulte héberge des cellules souches aussi flexibles que les cellules souches embryonnaires », commente le Dr Neil Theise (New York University School of Medicine), qui a codirigé l'étude avec le Dr Diane Krause (Yale Cancer Center, New Haven, Connecticut).
« La cellule souche adulte de moelle osseuse que nous avons trouvée présente une plasticité remarquable », observe pour sa part le Dr Krause. « C'est la cellule souche adulte la plus proche de la cellule souche embryonnaire, laquelle peut se transformer en n'importe quel organe du corps. » Ces résultats, souligne-t-elle, ne signifient pas pour autant qu'il faut abandonner la recherche sur les cellules souches embryonnaires. « Etant donné que ce domaine de recherche est tout juste à son commencement, il nous faut continuer d'étudier les cellules souches embryonnaires. Nos résultats sont très excitants, mais, pour une progression de la recherche sur les cellules souches, il faut que le travail se poursuive autant sur les cellules souches embryonnaires que sur les cellules souches dérivées des adultes ».
Toutes sortes de cellules épithéliales
On a longtemps cru que les cellules souches de la moelle osseuse adulte ne pouvaient fabriquer que des cellules sanguines. Toutefois, au cours des trois dernières années, il a été progressivement révélé que ces cellules possèdent une plus grande plasticité que l'on pensait, pouvant se transformer en cellules hépatiques, en cellules du muscle squelettique et en cellules gliales du cerveau.
L'étude de Krause, Theise et coll., publiée dans « Cell », montre maintenant qu'elles peuvent se différencier en toutes sortes de cellules épithéliales.
Dans une première partie, les chercheurs ont partiellement purifié des cellules souches de la moelle osseuse de souris mâles, selon un protocole précédemment décrit (élutriation en centrifugeuse, puis élimination des cellules différenciées par anticorps). Cette population partiellement purifiée de cellules souches de la moelle osseuse mâle a été marquée par un colorant fluorescent et injectée à des souris femelles irradiées. Quarante-huit heures après la transplantation, les chercheurs ont récupéré dans la moelle les cellules mâles qui ne se sont pas divisées et sont les plus brillantes.
Dans une deuxième phase, les chercheurs montrent que ces cellules souches mâles, ainsi récupérées dans la moelle quarante-huit heures après la greffe, sont enrichies en cellules souches hématopoïétiques, qui ont la capacité individuelle de repeupler à long terme la moelle chez une première souris hôte, ainsi que chez des souris hôtes secondaires après transplantation en série. Cette capacité démontre l'autorenouvellement et la différenciation des cellules, propriétés qui définissent les cellules souches hématopoïétiques.
En pratique, trente nouvelles souris femelles irradiées ont été transplantées chacune avec une seule cellule mâle marquée récupérée dans la moelle osseuse des souris femelles irradiées. Cinq souris receveuses d'une seule cellule ont survécu à long terme (onze mois). La moelle de ces souris, reconstituée par une seule cellule, a ensuite été greffée chez de nouvelles souris femelles irradiées, et le taux de prise de greffe s'est révélé être le même que chez les premières receveuses, un argument puissant en faveur de l'autorenouvellement.
Foie, poumon, tube digestif, peau
Les chercheurs ont analysé les tissus épithéliaux des cinq souris femelles receveuses d'une seule cellule mâle. Ils ont alors eu la surprise de trouver des cellules épithéliales (identifiées, entre autres, par coloration immunohistochimique pour les cytokératines) contenant le chromosome Y (par conséquent dérivées de la cellule souche mâle) dans le foie, le poumon, le tube digestif et la peau.
« Ces données démontrent un haut degré de plasticité : une seule cellule est capable de se différencier en cellules du tube digestif, du poumon et de la peau », notent les chercheurs.
Thérapie génique, réparation d'un organe lésé
La repopulation épithéliale par les cellules dérivées de la moelle est minime dans les tissus non lésés (peau et tube digestif), mais majeure dans les tissus lésés (foie, poumon). Ils proposent que les cellules souches de la moelle pourraient être recrutées vers les sites de lésion par des facteurs sécrétés par les organes endommagés. Lorsque les cellules arrivent dans le tissu endommagé, l'environnement local (une combinaison de facteurs de transcription) pourrait stimuler leur différenciation.
Les implications thérapeutiques potentielles sont multiples. « Ces cellules souches de la moelle osseuse capables de se différencier en cellules épithéliales matures pourraient servir de cellules cibles pour la thérapie génique ou de source cellulaire pour la reconstitution ou réparation d'un organe. La greffe de MO elle-même pourrait s'avérer utile dans le traitement de certaines formes de lésion tissulaire ou de maladies », notent les chercheurs.
« Cell », 3 mai 2001.
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