P OUR Bernard Kouchner, le projet de loi de modernisation du système de santé, qui comporte un important volet sur les droits des malades (« le Quotidien » des 5 et 6 septembre), se résume en trois mots : « transparence, responsabilité et confiance ». En conseil des ministres, Lionel Jospin l'a présenté comme un « projet de société novateur qui pose les bases d'une démocratie sanitaire plus humaine et mieux maîtrisée ».
Le Collectif interassociatif sur la santé (CISS, qui regroupe une vingtaine d'associations de patients) apporte cependant un bémol. Si le CISS est satisfait que le projet de loi « apporte des garanties législatives là où n'existaient que des dispositions éparses et des pratiques très hétérogènes », il estime aussi qu'il « mérite encore d'être amélioré ». Le collectif évoque notamment, dans un communiqué, « la protection insuffisante des informations de santé, l'absence de délais d'accès au dossier médical (les délais doivent être fixés par décret en Conseil d'Etat, NDLR), le défaut de sanction en cas de non-respect des droits ».
Le CISS craint aussi que le projet de loi soit en retrait par rapport à la jurisprudence actuelle en ce qui concerne l'indemnisation des infections nosocomiales. Les associations de patients regrettent enfin « la non-prise en compte des personnes contaminées par l'hépatite C et présentant des pathologies lourdes ».
A ce propos, le ministre délégué à la Santé a rappelé devant la presse que, si le gouvernement avait « décidé de ne pas prendre en charge tout ce qui pourrait concerner les affaires en cours devant la Justice », les personnes déjà contaminées par le virus de l'hépatite C lors d'une transfusion bénéficieront, grâce au projet de loi, d'une « inversion de la charge de la preuve ». Ainsi, ce sera à l'organisme fournisseur des produits sanguins de prouver que la transfusion n'est pas à l'origine de la contamination.
Le nouveau dispositif d'indemnisation des accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales sans faute devrait « éviter qu'il y ait des cohortes d'avocats à la porte des hôpitaux, des cliniques et des cabinets des médecins libéraux », selon Bernard Kouchner, alors que les thérapeutiques efficaces sont aussi « de plus en plus risquées ». L'indemnisation des victimes, financée par l'assurance-maladie, est estimée « entre 1 et 2 milliards de francs », sur la base de 5 000 accidents médicaux non fautifs par an, entraînant un taux d'incapacité d'au moins 30 %. Le seuil de gravité des accidents doit être fixé par décret, mais la discussion se fera entre « 30 et 50 % », selon Bernard Kouchner. « Le quotidien des petites plaintes ne pourra pas être pris en compte, sinon cela embouteillera le système (de réparation des risques sanitaires) », a indiqué le ministre délégué à la Santé.
Création de conseils régionaux de santé
Dans son volet consacré à la « démocratie sanitaire », le projet de loi réforme la procédure d'élaboration de la politique de santé, qui, pour le moment, est annexée tous les ans à la loi de financement de la Sécurité sociale. Le texte vise à donner un rôle stratégique, et non plus seulement consultatif, à l'actuelle Conférence nationale de santé.
Le projet de loi institue des conseils régionaux de la santé qui se substitueront aux instances consultatives actuelles, à savoir les conférences régionales de santé, les comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale (CROSS), etc. Ces conseils régionaux devront donner une cohérence nouvelle aux actions, programmes et politiques régionales de santé, et permettront aux régions de contribuer à la définition de la politique nationale.
A l'avenir, le gouvernement préparera annuellement un rapport, en fonction de ses priorités pluriannuelles et avec l'aide du Haut Comité de la santé publique, au vu des bilans et propositions transmis par les nouveaux conseils régionaux. Ce rapport sera transmis au Parlement, après avis de la Conférence nationale de santé. Il y aura désormais un débat parlementaire préalable au vote de la loi de financement de la Sécurité sociale.
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