Les personnels hospitaliers sont, au sein de la fonction publique, parmi les plus remontés contre le projet de réforme des retraites du gouvernement Raffarin.
« La grève prend, notamment dans les hôpitaux parisiens ; l'hôpital et l'Education nationale sont les deux secteurs où la réforme fait débat », commente le délégué général du SNCH (Syndicat national des cadres hospitaliers), Emmanuel Goddat.
Moins spectaculaire que celui des enseignants - réquisitionnés, les personnels de l'hôpital public ne désertent pas les salles d'opération comme les professeurs laissent des salles de classe vides -, le mouvement des hospitaliers n'en est pas moins de grande ampleur. Lundi, plus du quart des agents de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) étaient soit en grève, soit assignés ; à Marseille (voir ci-dessous), plus de la moitié étaient dans ce cas. Le syndicat Sud Santé a relevé des taux de mobilisation record à Amiens (75 %) ou à Brest (61 %). Au niveau national, la direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des soins (DHOS), au ministère de la Santé, a très exactement dénombré, réquisitions comprises, 35,82 % de grévistes dans les centres hospitaliers et 23,89 % dans les CHU. Les hospitaliers en colère ont donc représenté une part non négligeable des centaines de milliers de manifestants (435 000 selon la police, 800 000 selon les syndicats) qui ont battu le pavé lundi dans toute la France.
Il faut dire que les syndicats qui, au nom de la garantie du système par répartition, du droit à la retraite à 60 ans et d'un haut niveau de pension, orchestrent la grogne de la fonction publique sont particulièrement bien représentés à l'hôpital. Aux dernières élections professionnelles, la CGT et FO, actuels fers de lance de l'agitation, ont raflé à elles deux plus de 55 % des voix (31 % pour la première, 24 % pour la seconde). Cela pèse lourd, même en face d'une CFDT, plus conciliante avec le gouvernement sur le dossier des retraites et seconde force syndicale à l'hôpital avec 30 % des voix. La CFDT a lancé dans les hôpitaux une campagne d'information sur la réforme en projet. « Nous avons beaucoup de demandes d'explications, raconte Yolande Briant, secrétaire générale de la CFDT-santé, les gens viennent nous voir parce qu'ils veulent savoir exactement de quoi il retourne. Car, même pour les spécialistes, le projet de loi n'est pas facile à comprendre. » Le syndicat a déjà diffusé deux tracts dans les hôpitaux, dont un concerne la situation particulière des aides-soignantes.
La grève reconduite localement
Depuis mardi, après que six organisations ont très officiellement renvoyé le gouvernement à sa copie (dans le cadre du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, dont l'avis est consultatif, la CGT, FO, l'UNSA, la CFTC, Sud et le SNCH ont voté contre le plan gouvernemental ; la CGC s'est abstenue et la CFDT a voté pour un texte amendé - voir « le Quotidien » d'hier), les hospitaliers expriment leur opposition aux projets de François Fillon et de Jean-Paul Delevoye en ordre plus dispersé. C'est localement qu'ont été prises les décisions de reconduire ou non la grève dans les établissements, et le mouvement spécifique des urgences (voir page 4) vient brouiller un peu les cartes. A l'AP-HP (12 % de personnels mobilisés, selon une enquête interne partielle), la Pitié, Emile-Roux, Henri-Mondor, Avicenne... ont notamment décidé de continuer le mouvement. L'Assistance publique de Marseille a elle aussi choisi de ne pas faire de trêve. Selon Sud, la mobilisation resterait forte dans les Côtes-d'Armor, à Clermont-Ferrand ou à Dijon. Et des hospitaliers ont participé mardi à des manifestations à Roanne, Saint-Denis...
Assez désordonné, le mouvement pourrait commencer à être organisé avec la réunion, aujourd'hui à Paris, à la Pitié-Salpêtrière, d'une assemblée générale des mécontents franciliens. C'est donc l'occasion de structurer l'agitation, mais aussi, explique Irène Leguay, secrétaire générale de Sud Santé, de se pencher d'une manière « plus spécifique » sur les perspectives du secteur sanitaire. Surtout, l'hôpital pourrait faire parler de lui lors de la journée nationale d'action du 25, à laquelle appellent la CGT, FO, Sud, l'UNSA, le SNCH ainsi que la CFTC-santé-Ile-de-France. Un dimanche, en effet, les hospitaliers, contrairement aux autres manifestants, feront vraiment « grève ». Leur colère, espèrent les syndicats, pourrait n'en prendre que plus de relief. Le gouvernement, en tout cas, ne prend pas cette menace à la légère. Une réunion interne s'est saisie du problème à la DHOS dès hier.
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