DES DECENNIES de pratique médicale viennent d'être bouleversées par la mise au point de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Son thème : la prise en charge de la fièvre de l'enfant. Avec comme fondements à ces recommandations, l'amélioration du confort de l'enfant avant la recherche systématique de l'apyrexie, la crainte d'effets indésirables iatrogènes (récemment sur la sellette) et l'absence de preuves à l'intérêt du traitement de la fièvre.
Les données scientifiques disponibles ces dernières années ne font plus considérer la fièvre comme un danger pour l'enfant (sauf cas très particuliers). Il ne s'agit que d'un symptôme. Son traitement « éventuel » n'a de place qu'au-delà de 38,5 °C., chez un enfant normalement couvert, soumis à une ambiance tempérée.
Chez 2 à 5 % des enfants.
Le spectre de la convulsion hyperthermique était la motivation majeure des traitements proposés jusqu'à présent. Les experts se montrent rassurants à son propos. Elle survient chez 2 à 5 % des enfants fébriles et, ce, jusqu'à l'âge de 5 ans. Un pic d'incidence est relevé entre 18 et 24 mois, en général en cas de prédisposition familiale. Le risque est majoré chez les enfants ayant des antécédents de telles convulsions, avec une période sensible de deux ans après le premier épisode, surtout s'il a eu lieu avant l'âge de 2 ans.
Fait important, aucun médicament étudié contre placebo ne s'est révélé efficace préventivement au moment des poussées fébriles. Les méthodes physiques ne font d'ailleurs pas mieux. Cepndant, l'Afssaps rappelle que certaines pathologies neurologiques (méningites, encéphalites...) sont pourvoyeuses de convulsions relevant d'un traitement étiologique urgent.
Un deuxième argument susceptible de justifier l'absence de traitement de l'hyperthermie était une action bénéfique de la fièvre. Ici, l'analyse de la littérature montre un effet positif lors d'infections invasives sévères (purpura infectieux, septicémie). Certaines infections graves non fébriles sont associées à une augmentation de la mortalité. Mais, à l'inverse, d'autres études indiquent que l'utilisation d'antipyrétiques pourrait retarder la guérison de certaines viroses. « Il n'existe pas de données ayant un niveau de preuves suffisant pour soutenir l'hypothèse que la fièvre doit être respectée », peut-on lire dans le rapport.
Dès lors qu'il n'y a plus lieu de craindre une hyperthermie chez l'enfant, la recherche de l'apyrexie n'est plus un but en soi. « Elle ne doit pas conduire à des traitements systématiques (notamment pour maintenir l'enfant en collectivité) ».
A l'inverse, l'inconfort du jeune patient acquiert toute son importance. Et le soulagement de la fièvre peut intervenir face à une diminution de l'activité, de la vigilance, de l'appétit, des rapports sociaux ou devant des céphalées ou une modification de l'humeur.
Après avoir recherché la cause de l'hyperthermie et avoir instauré son traitement, quels sont les outils disponibles ?
Une boisson bien acceptée.
Des moyens physiques classiques, associés aux antipyrétiques : les experts retiennent qu'il ne faut pas trop couvrir l'enfant, qu'il faut aérer la pièce et qu'il faut lui proposer des boissons. Ici, mieux vaut une boisson bien acceptée qu'un liquide très frais. La limite de ces moyens physiques est l'inconfort de l'enfant et leur action limitée dans le temps. C'est ainsi que le traditionnel bain à 2 °C en dessous de la fièvre est relégué au second plan.
Restent les médicaments. Trois molécules sont essentiellement utilisées en France ; une quatrième, le kétoprofène (après six mois), est encore peu utilisée. Selon les données de la littérature, ibuprofène, paracétamol et aspirine ont une efficacité identique. Le premier de ce trio aurait une activité légèrement supérieure à celle du second sur une dose unique. Le second serait plus actif sur l'activité et la vigilance, propriété importante lorsqu'on vise le confort du jeune patient. Mais pour les experts, les effets indésirables des molécules doivent plutôt guider le choix. Le paracétamol ne possède que deux contre-indications (hypersensibilité à la molécule et insuffisance hépato-cellulaire). Celles des deux autres principes actifs sont plus nombreuses. Il s'y associe des précautions d'emploi, notamment la varicelle pour l'ibuprofène et les viroses (en particulier varicelle et épisodes d'allure grippale) pour l'aspirine. Les associations ou alternances de ces traitements n'ont pas montré leur efficacité.
Les experts concluent sur l'importance d'expliquer ces recommandations à l'entourage de l'enfant ou aux personnes chargées de sa garde.
Rapport disponible sur le site www.afssaps.sante.fr.
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