S I l'on en juge par la longévité politique habituelle des dictateurs, l'arrestation de Slobodan Milosevic relève du miracle. Il n'y pas si longtemps, deux ans à peine, le président de la Fédération yougoslave faisait sortir son peuple sous les bombes pour assister à des concerts de rock. Aujourd'hui, il est en prison.
Milosevic incarnait aux yeux des Serbes ce nationalisme qui les fait vibrer et ne les a pas conduits aux actions les plus éclairées. Son successeur, Vojislav Kostunica, ne pouvait accéder au pouvoir en tournant le dos à cette passion serbe et, de toute façon, il ne l'aurait pas fait par conviction. On peut donc comprendre que les Serbes se contentent, pour le moment, de juger leur ancien président pour corruption.
L'essentiel, c'est que soit amorcé un cycle judiciaire qui ne devrait pas lui offrir la possibilité de s'échapper.
Au moment où la Macédoine est menacée par la subversion kosovare, on peut dire que l'intervention de l'OTAN en Yougoslavie est justifiée a posteriori par les résultats obtenus : un régime démocratique a été mis en place à Belgrade il y a six mois ; M. Kostunica s'est montré extrêmement calme face à des provocations kosovares qui auraient pu à juste titre l'indigner ; mis en demeure de faire arrêter Milosevic pour obtenir une aide américaine de 100 millions de dollars, il a obtempéré, alors qu'il n'éprouve aucune sympathie pour les Etats-Unis et pour l'OTAN.
Le nouveau président serbe est donc essentiellement pragmatique : pendant des années, il a milité contre Milosevic et les poursuites judiciaires lancées contre l'ex-dictateur n'étaient pas en contradiction avec ses propres objectifs. Tout au plus promet-il pour l'instant de ne pas livrer Milosevic au Tribunal pénal international (TPI) de La Haye.
Après avoir fait donner sa garde personnelle, Milosevic s'est livré spontanément à la justice. On peut donc craindre qu'il ait négocié pied à pied pendant la nuit de samedi à dimanche dernier pour se prémunir contre des malheurs plus grands que ceux que lui réserve la justice de Belgrade. Il est surprenant qu'il ait renoncé à un bain de sang, lui qui n'a jamais hésité à sacrifier le peuple serbe au nom de sa politique de nettoyage ethnique. Mais peut-être aussi qu'une lueur de raison lui a fait admettre que toute résistance serait inutile et que, en faisant tuer quelques hommes de plus, il n'aurait pas échappé pour autant à l'arrestation.
Le voilà en tout cas réduit à ce qu'il n'a jamais cessé d'être : un capo de la mafia qui se servait du pouvoir politique pour s'enrichir ; et en outre, un criminel de guerre coupable des pires atrocités. La fermeté des Etats-Unis, donc de George W. Bush, n'est pas étrangère à ce retournement de situation. Quelques dictateurs encore en exercice n'auront pas manqué de noter ce précédent et devront commencer à craindre pour eux-mêmes.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature