Huit pour cent des adultes en France présentent un tableau clinique typique de migraine ; et 17 % des 18 à 65 ans ont des symptômes pouvant être reliés à la maladie. La prévalence de la migraine est maximale entre 18 et 49 ans chez l'homme et entre 30 et 49 ans chez la femme ; c'est dire qu'elle concerne essentiellement les tranches actives de la population.
D'après l'étude FRAMIG 2000, 23 % des migraineux n'ont jamais consulté pour ce motif et 59 % ont renoncé à le faire ; ainsi 82 % n'ont pas de suivi médical. Il existe un fatalisme chez un grand nombre de migraineux, assorti d'un sentiment de découragement vis-à-vis des possibilités de prise en charge. Cela témoigne du manque d'information dans ce domaine et de l'ignorance des thérapeutiques actuelles.
La moitié des patients ont recours à l'automédication pour traiter les crises. Cette attitude conduit les migraineux à associer ou à prendre successivement plusieurs traitements et peut être responsable de la transformation progressive d'une migraine épisodique en céphalée chronique quotidienne. Parallèlement, de 5 à 10 % seulement des migraineux reçoivent un traitement de fond, alors que 25 % devraient en bénéficier.
Des recommandations de l'ANAES
Consciente de ces problèmes, la Société française d'études des migraines et céphalées (SFEMC) a élaboré, sous l'égide de l'ANAES (Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé), des recommandations pour la prise en charge de la migraine qui vont être prochainement publiées.
Il y est rappelé, entre autres : la nécessité d'établir un diagnostic précis, s'appuyant sur les critères de l'IHS (International Headache Society) ; l'utilité de l'agenda des crises, permettant une évaluation de la sévérité et de la consommation médicamenteuse ; l'intérêt des échelles de handicap et de qualité de vie ; et la conduite à tenir dans différentes situations.
Par exemple, il est proposé de faire une co-prescription AINS et triptan, en recommandant au patient de commencer par l'AINS et de ne recourir au triptan qu'après échec du premier médicament ; en revanche, si l'AINS n'a pas permis de soulager rapidement deux ou trois crises d'un patient ou si la crise est particulièrement sévère, on prescrira d'emblée un triptan.
Absentéisme et perte de productivité
Le poids économique de la migraine a été largement souligné lors de ces rencontres. Il est lié non seulement aux soins médicaux, mais aussi à l'absentéisme et à la perte de productivité, sans parler de la fréquence des comorbidités chez le migraineux qui alourdit encore les dépenses de santé.
La migraine coûterait à la collectivité 102 euros en consommation médicale et 258 euros en perte de productivité. En réalité, les 7 millions de migraineux ne subissent pas tous une altération de la qualité de vie telle qu'elle retentit sur les activités quotidiennes et professionnelles. Aussi faudrait-il identifier les malades fortement handicapés et leur proposer en priorité un traitement efficace.
* Table ronde présidée par Pierre HELLIER (député de la Sarthe), animée par « le Quotidien du Médecin » et à laquelle participaient le Dr Philippe Michel (épidémiologiste, CHU Bordeaux), le Pr Gilles Géraud (président de la Société française des migraines et céphalées), le Dr Dominique VALADE (responsable de l'Unité d'urgence céphalées, Lariboisière, Paris), le Pr André PRADALIER (chef de service de médecine interne, CHU Louis-Mourier, Colombes) et le Dr Patrick Gilbert (médecin du travail coordinateur chez PSA, Rennes).
Une expérience pilote en médecine du travail
Conscient de l'importance du retentissement de la migraine sur la vie professionnelle et de celle d'un dépistage et d'un suivi étroits, le service de médecine de travail de PSA Peugeot-Citroen Rennes a mis en place le programme NOEMIE (Nouvel observatoire épidémiologique de la migraine initié en entreprise).
NOEMIE avait pour objectif de montrer la contribution apportée par la médecine du travail au diagnostic et à la prise en charge du migraineux. Il devait participer à l'amélioration de la qualité de vie des patients en re-médicalisant ceux qui ne l'étaient plus et surtout en les informant. L'objectif secondaire était de voir si l'amélioration de la prise en charge permettait un gain de productivité. Le troisième objectif était de développer une méthodologie rigoureuse d'observation d'une pathologie chronique en entreprise, afin d'enrichir les connaissances dans ce domaine.
Dix-huit mois après la mise en place du programme, 150 migraineux ont été inclus ; les scores de qualité de vie et de satisfaction de ces salariés ont étaient significativement améliorés. Cette expérience pilote montre que la médecine du travail a sa place dans les réseaux de soins de la migraine.
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