Le Généraliste. Ce dernier PLFSS du quinquennat est marqué par un effort important de réduction du déficit. Est-ce suffisant ?
Yves Bur. A l’évidence, non puisque le déficit se situe malgré les efforts à 17,6 milliards d’euros. Mais dans cette période de crise, ce PLFSS traduit la volonté de préserver la solidarité en injectant plus de 6,5 milliards d’euros de recettes nouvelles. Cela ne nous dispense pas de poursuivre les efforts de rationalisation des dépenses de santé comme nous l’avons fait pour les retraites.
Où pourrait-on trouver de nouvelles marges de manœuvres ?
Selon la DHOS, 18% des patients hospitalisés n’ont rien à faire à l’hôpital. Soit 5 millions de journées inutiles et 2 milliards d’euros de dépenses qu’il vaudrait mieux orienter vers le secteur médico-social, à travers le maintien à domicile des patients, les EHPAD et aussi la médecine de ville. On peut encore optimiser l’organisation administrative. Ainsi, la non-télétransmission des feuilles de soins coûte toujours 250 millions d’euros par an et la gestion déléguée aux mutuelles de fonctionnaires et d’étudiants en coûte autant?!
Que pensez-vous du paiement à la performance?
Il était temps de sortir de la culture du volume d’actes pour aller vers une culture de la qualité. La seule manière de le faire, c’est de se fixer des objectifs de qualité définis selon des exigences médicales. C’est le cas pour cette convention qui entérine ce qui avait été expérimenté avec succès par les CAPI. Le corps médical se dirige donc vers davantage de qualité et le patient pourra être mieux soigné. Le débat autour du conflit d’intérêt est un faux débat. Il n’est pas anormal de mieux rémunérer ceux qui soignent mieux. Pourquoi les Français continueraient-ils à consommer 8 fois plus de psychotropes que leurs voisins ? Et pourquoi la prescription de génériques fait encore débat en France où un quart seulement du volume prescrit l’est en générique alors que 2/3 des volumes prescrits en Allemagne sont des génériques ? A cet égard, la mention « NS » devrait être plus encadrée.
La taxation sur les boissons sucrées vous paraît-elle une mesure de santé publique cohérente ?
Taxer les boissons sucrées de façon homéopathique sans taxer le vin, la bière ou le rhum n’est pas cohérent du point de vue de la santé publique. Il vaut mieux dire tout simplement qu’il s’agit d’une nouvelle taxe parce qu’on en a besoin.
L’alourdissement de la taxation sur les mutuelles est-elle légitime ?
S’il faut des recettes perennes, je reste partisan de la CSG. Si on choisit de ne pas l’augmenter, le recours à des recettes complémentaires est nécessaire. Le milliard d’euros prélevé cette année sur les mutuelles équivaut à 0,1% de CSG. Je ne crois pas que ce point aurait affaibli davantage la croissance que le prélèvement.
L’industrie pharmaceutique est particulièrement mise à contribution. Pourquoi ?
Tous les pays, en période de crise, ont recours à une politique sur les prix des médicaments pour équilibrer leurs comptes sociaux. Ce n’est pas une spécificité française. En France, les laboratoires pharmaceutiques y contribuent à travers une baisse de prix des médicaments et une augmentation des taxes sur leur chiffre d’affaires, notamment pour payer la formation des médecins. Mais l’heure est surtout venue de lutter contre l’addiction des Français aux médicaments. L’Assurance maladie doit faire davantage de pédagogie pour un bon usage du médicament auprès des assurés.
Vous avez été l’auteur en 2008 d’un rapport en vue de la création des ARS. Aujourd’hui, se mettent-elles en place à un rythme satisfaisant ?
Un peu plus d’un an après leur installation, les ARS ont réalisé un sacré parcours. Leurs plans régionaux de santé seront les outils de la réorganisation et de la complémentarité de l’offre de soins en régions afin que le parcours du malade dans le système des soins soit le plus cohérent possible. Malheureusement, leurs marges budgétaires régionales ne sont pas à la hauteur de leurs ambitions. Leur pilotage est encore trop centralisé même si, grâce au fonds d’intervention régional, les ARS auront davantage d’autonomie.
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