LA GASTRO-ENTÉRITE aiguë est une pathologie extrêmement fréquente chez l'enfant, notamment au cours de ses trois premières années. À prédominence automno-hivernale, sa sévérité est liée à son étiologie plutôt qu'à l'âge. Les virus, le rotavirus notamment, sont les plus souvent en cause. Les bactéries sont plus rarement impliquées ; selon les pays, on retrouve surtout soit un Campylobacter, soit une salmonelle.
La gastro-entérite aiguë est définie selon les dernières recommandations de l'ESPGHAN-ESPID (1) comme une modification de la consistance des selles, devenant molles ou liquides, et/ou une augmentation de leur fréquence (généralement plus de 3 selles par 24 heures), avec ou sans fièvre ou vomissements. Toutefois, une modification de la consistance des selles comparativement à leur consistance précédente constitue un meilleur indicateur de diarrhée que le nombre des selles, en particulier au cours des premiers mois de la vie.
La déshydratation représente le risque majeur.
Aucun examen complémentaire n'est nécessaire en pratique de ville hormis devant une diarrhée sanglante ou si l'enfant revient d'un pays exotique où l'on fera alors une coproculture. La meilleure mesure de déshydratation est le calcul du pourcentage de perte de poids corporel. Selon les directives de l'Organisation mondiale de la santé et des Centers for Disease Control, les patients sont classés en sous-groupes correspondant à une déshydratation minimale ou absente (moins de 3 % de perte de poids corporel), légère à modérée (de 3 à 9 %) et sévère (plus de 9 %).
Il peut être difficile d'apprécier cette perte de poids quand les données pondérales précédant la maladie sont trop éloignées. Il peut également ne pas y avoir de perte de poids par constitution d'un troisième secteur. C'est donc l'aspect physique de l'enfant qui va guider le diagnostic. La déshydratation sera qualifiée de sévère et nécessitera une hospitalisation immédiate, pour réhydratation par voie veineuse si l'enfant présente au moins trois des signes suivants : augmentation du temps de recoloration capillaire, pli cutané anormal, respiration anormale, sécheresse des muqueuses, yeux cernés et enfoncés et absence de larmes.
Les solutés de réhydratation doivent être plus largement utilisés.
Encore trop peu utilisées, les solutions de réhydratation orale (SRO) constituent la pierre angulaire du traitement des diarrhées aiguës (DA) de l'enfant. En 1978, déjà, un éditorial du « Lancet » qualifiait la réhydratation par SRO de « plus grand progrès médical du XXe siècle », malheureusement comme le signale le Dr Assathiany :« La réhydratation par SRO n'est pas suffisamment prescrite ni par les médecins ni par les pharmaciens quand les parents demandent des conseils. Il faut également bien expliquer aux parents l'intérêt de la réhydratation par SRO car ils ont du mal à se convaincre que le contenu d'un sachet devenu invisible dans 200 ml d'eau peut être la base d'un traitement ! » Les SRO sont remboursées depuis 2003.
Les SRO doivent être utilisées à volonté, sans limitation, en se fondant sur la soif de l'enfant ; parfois 6-7 sachets peuvent être bus en 12 heures. La mauvaise palatabilité de la préparation peut être améliorée par l'adjonction de quelques gouttes d'un sirop parfumé. Pour éviter les vomissements, la préparation doit être placée au réfrigérateur et donnée ensuite, rafraîchie, par petites quantités répétées ; par exemple, une cuillerée à café par minute permet de faire absorber à l'enfant 300 ml en une heure.
La réalimentation précoce est la règle.
La réalimentation doit intervenir après 4 à 6 heures de réhydratation sur un mode qui dépend de l'âge de l'enfant. L'allaitement maternel d'un nourrisson peut continuer. Avant 3 mois, s'il est nourri au biberon, la prudence et l'habitude, malgré l'absence de preuve, est de le réalimenter avec des hydrolysats. Entre l'âge de 3 et 6 mois, un lait sans lactose peut être utilisé en transition et, au-delà de 6 mois, l'alimentation normale est réintroduite d'emblée. Les essais cliniques contrôlés suggèrent que les glucides complexes (riz, blé, pommes de terre, pain et céréales), les viandes maigres, les yaourts, les fruits et les légumes sont bien tolérés chez les enfants souffrant de diarrhée légère à modérée et doivent être poursuivis sans limitation dans le cadre d'une alimentation adaptée à l'âge après la période de réhydratation (1). Ces mesures sont généralement suffisantes et, pour le Dr Assathiany, « il y a peu de raisons de donner des médicaments car la réhydratation orale et la réalimentation précoce sont le plus souvent efficaces ». Les antiémétiques ne doivent pas être utilisés en routine et les vomissements sont souvent évités si l'on prend soin de fractionner les prises alimentaires dans la journée. Parmi les antisécrétoires, le racécadotril, un inhibiteur de l'enképhalinase intestinale qui réduit la sécrétion d'eau et d'électrolytes dans l'intestin, peut être utilisé. Il est à prescrire tant que les selles sont nombreuses et liquides. Le traitement antibiotique de la gastro-entérite bactérienne aiguë n'est pas nécessaire en routine. Il ne se justifie qu'en cas de gastro-entérite à Shigella,Campylobacter, Vibrio cholerae ou encore à Salmonella, mais pour ce dernier uniquement chez les enfants à haut risque, ainsi que chez les nouveau-nés ou jeunes nourrissons de moins de 3 mois (1).
Sur le plan préventif, la vaccination antirotavirus, qui est réalisable chez les nourrissons à partir de 6 semaines, a fait la preuve de son efficacité contre les gastro-entérites sévères à rotavirus.
Il faut insister également sur les précautions d'hygiène pour éviter la diffusion d'une GEA dans toute la famille, préconiser l'utilisation systématique de solutions hydroalcooliques pour le lavage des mains des parents, avant et après les soins faits à leur enfant.
L'ordonnance doit comporter les directives de surveillance.
L'évolution d'une gastro-entérite, même d'aspect la plus banale, demeure toujours incertaine et les parents doivent rester vigilants, notamment la nuit. «Les éléments de surveillance de l'enfant sont à expliquer aux parents et à noter sur l'ordonnance de façon à leur laisser des éléments objectifs d'appréciation qui pourront les aider à veiller sur leur enfant et, éventuellement, avoir une valeur médico-légale» précise le Dr Assathiany.
En conclusion, pour le Dr Assathiany : «II faut rester très vigilant face aux gastro-entérites aiguës chez l'enfant. Le pronostic de cette pathologie très fréquente a été transformé par l'utilisation des SRO, mais il faut apprendre aux parents à traiter les enfants et à les surveiller. Les SRO devraient être prescrits dès la sortie de la maternité pour que les parents ne soient pas pris au dépourvu lors de la survenue d'une première gastro-entérite aiguë. »
D'après un entretien avec le Dr Rémy Assathiany, pédiatre, Issy-les-Moulineaux.
(1) Guarino A et coll., J Pediatr Gastroenterol Nutr 2008 ; 46 Suppl. 2581-S184
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