Plusieurs avancées thérapeutiques marquantes sont à souligner cette année, note le Pr Girard. D'abord, l'arrivée de deux nouvelles classes thérapeutiques, celle des anti-intégrases, avec le raltégravir, et celle des inhibiteurs de CCR5, avec le maraviroc. Ensuite, une nouvelle génération d'inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse, représentée par l'étravirine, efficace sur 80 % des virus résistants. Enfin, l'élargissement de la famille des antiprotéases, avec l'autorisation de mise sur le marché du darunavir. « Nous disposons donc de sixclasses d'anti-VIH, un arsenal varié qui permet aujourd'hui de contrôler la réplication virale chez la très grande majorité des patients, pour ne pas dire tous ceux qui suivent leur traitement, y compris ceux qui se trouvaient en échec thérapeutique ». Il s'agit donc aujourd'hui de rationaliser les stratégies thérapeutiques pour donner les meilleures chances au patient. La simplification des traitements contribue à améliorer l'observance. Soulignons, à cet égard, l'arrivée prochaine d'une trithérapie en une seule prise quotidienne d'un seul comprimé, qui associe deux analogues nucléosidiques, le ténofovir et l'emtricitabine, et un inhibiteur non nucléosidique, l'efavirenz. Ce médicament a reçu une AMM européenne et est déjà disponible dans plusieurs pays.
Les maladies cardio-vasculaires au premier plan.
L'efficacité des traitements anti-VIH se traduit par une diminution de la mortalité. Les décès sont aujourd'hui observés chez les patients de plus de 45 ans et les principales causes ne sont plus les infections opportunistes ou les cancers liés au sida, mais les maladies cardio-vasculaires et les cancers, comme dans la population générale, si ce n'est qu'ils surviennent plus précocement. Les personnes infectées par le VIH souffrent en effet d'une sorte de vieillissement prématuré. «On a longtemps accusé les antirétroviraux de favoriser les troubles métaboliques et les pathologies cardio-vasculaires, mais il semble bien que ce soit l'infection en elle-même qui en soit la principale responsable», explique le Pr Girard. Cancers et maladies cardio-vasculaires seraient ainsi les conséquences indirectes d'un déficit immunitaire aminima, séquelle d'une mise en oeuvre tardive du traitement, ainsi que des phénomènes inflammatoires liés à l'infection. Autant d'arguments pour préconiser un traitement précoce. Actuellement, chez les patients asymptomatiques, on propose sa mise en route dès que les CD4 baissent au-dessous du seuil de 350/mm3, mais sans doute serait-il souhaitable de commencer plus tôt, dès 500 CD4, comme le suggèrent des données observationnelles. Un très important essai randomisé vient d'être initié par le NIH (National Institute of Health ) aux États-Unis chez des patients ayant plus de 350 CD4 afin d'évaluer les bénéfices d'une telle attitude.
Des occasions manquées.
«Nous disposons donc aujourd'hui de traitements puissants et plus faciles à suivre. Nous avons aussi des raisons pour commencer le traitement à un stade plus précoce de la maladie, le contrôle de la réplication virale ayant en outre l'intérêt de diminuer fortement la contagiosité sexuelle du virus.» D'où le double intérêt d'un dépistage précoce : sur le plan individuel, le maintien d'une bonne immunité et l'absence d'évolution vers le sida et une diminution des complications cardio-vasculaires et des cancers, et, sur le plan collectif, la diminution de la transmission du virus et, donc, un meilleur contrôle de l'épidémie. Les efforts doivent donc être poursuivis et développés pour l'améliorer. On estime en effet à environ 30 000 le nombre de sujets séropositifs qui l'ignorent. «Il faut continuer à sensibiliser les professionnels de santé, car il y a encore beaucoup d'occasions manquées de proposer le dépistage, il faut aussi sensibiliser la population sur la prise de risque, y compris ancienne, plutôt que sur la notion floue d'appartenance à un groupe à risque, améliorer l'accès aux soins, lutter contre la stigmatisation et la discrimination.» Les tests rapides devraient contribuer à développer le dépistage. Une étude réalisée aux urgences de l'hôpital Louis-Mourier à Colombes a montré leur bonne acceptabilité. Mieux diagnostiquer pour mieux traiter et mieux prévenir, tel est le message à diffuser massivement aujourd'hui, conclut le Pr Girard.
D'après un entretien avec le Pr Pierre-Marie Girard, hôpital Saint-Antoine, Paris
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