C'est la quatrième fois que la fondation NRJ - Institut de France remet un prix à une équipe de recherche médicale dans le domaine des neurosciences. Il s'agit cette fois d'un trouble fameux, qui reste pourtant très méconnu.
« Les épilepsies de l'enfant représentent actuellement un problème majeur de santé publique, avec près de 4 000 nouveaux enfants atteints par an, dont la moitié sera en échec scolaire et le tiers, pharmacorésistant, développera un retard intellectuel », expliquent les chercheurs. Mais la diversité des formes que prend cette « synchronisation excessive du cerveau », comme la décrit Olivier Dulac, ne facilite ni le diagnostic ni la prise en charge. Ainsi, estime ce dernier, « on suppose qu'un peu moins de 1 % de la population générale en souffre, mais on retrouve cinq fois plus de cas d'épilepsie chez le nourrisson ». Et de rappeler que l'on retrouve chez les tout-petits les formes les plus graves, les plus handicapantes pour la suite.
Le Pr Dulac pilote une équipe d'épileptologie reconnue au plan international, qui privilégie depuis 1980 une approche multidisciplinaire - illustrée par la diversité des structures dont sont issus les chercheurs. Elle intègre des travaux aussi bien sur la nosologie (identification de « syndromes épileptiques » homogènes) et l'EEG (Dr Perrine Plouin) que la neuropsychologie (définition de profils spécifiques selon les types d'épilepsie, Dr Isabelle Jambaqué), l'imagerie cérébrale fonctionnelle (notamment étude de la plasticité cérébrale, Dr Catherine Chiron), la génétique (identification de gènes impliqués dans des formes à la fois bénignes ou graves, Dr Rima Nabbout) ou la chirurgie (Dr Olivier Delalande). Cette équipe met également en place, malgré les difficultés méthodologiques, des essais thérapeutiques.
Diagnostic difficile, traitement périlleux
Un enfant adressé en ORL pour surdité souffre en réalité d'une épilepsie qui parasite ses fonctions du langage. A l'EEG, on remarque des pointes-ondes qui apparaissent en continu pendant le sommeil de l'enfant, révélant des crises à répétition. En dehors des formes spectaculaires, l'épilepsie peut s'exprimer sur un mode insidieux, très difficile à diagnostiquer. Selon Perrine Plouin, lors d'une observation sur vingt-quatre heures avec EEG, « on s'aperçoit que les parents ne voient que 15 à 20 % des crises réelles ». Typiquement, un nourrisson peut présenter des spasmes qui ne seront pas reconnus comme tels, accompagnés de reflux. « Avant de traiter un RGO, demandez un EEG », concluent les chercheurs.
Découlant d'un « emballement » du cerveau, l'épilepsie s'exprime fréquemment durant l'enfance, période de maturation - donc d'hyperexcitabilité - cérébrale. Selon les zones touchées, les symptômes sont extrêmement divers et difficiles à établir, même si, selon le Pr Dulac, « plus de 80 % des épilepsies peuvent aujourd'hui être identifiées comme syndromes distincts ».
Si l'épilepsie n'est pas reconnue et traitée à temps, elle affecte les fonctions cognitives dans leur développement et peut entraîner des séquelles irréversibles. « L'épilepsie entraîne l'épilepsie, d'autant plus que le cerveau est jeune », explique Isabelle Jambaqué.
Le traitement n'en est pas pour autant facile à appliquer, puisque à des formes différentes correspondent des prises en charge tout aussi diverses. « Certaines épilepsies peuvent être aggravées de façon irréversible par une molécule avec laquelle d'autres seront améliorées », explique Olivier Dulac, pour qui « le choix de début du traitement est capital pour la vie. » L'équipe travaille donc sur la définition des bonnes indications « et surtout des contre-indications » des molécules pour chaque type d'épilepsie. Lorsqu'il s'agit d'une lésion cérébrale, on fait intervenir l'imagerie fonctionnelle, puis, éventuellement, la chirurgie. Il peut s'agir, par exemple, d'un hamartome situé dans l'hypothalamus, qui parasite les fonctions cognitives. Etant donné la localisation, le Dr Delalande a mis au point une technique consistant non pas à réaliser une ablation de la zone incriminée, mais plus simplement de la « déconnecter ».
Afin de poursuivre ces travaux innovants, tant en termes de recherche que de progrès thérapeutiques, le montant du prix devrait être affecté à la constitution d'une structure multidisciplinaire au sein du CHU Necker - Enfants-Malades (Paris).
Pour en savoir plus, site de la Fondation française pour la recherche sur l'épilepsie (FFRE), dont Olivier Dulac préside le conseil scientifique : www.fondation-epilepsie.fr. Site de l'Association de parents d'enfants épileptiques : www.arpeije.org/.
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