Les recherches menées de longue date sur la cellule bêta pancréatique apportent chaque jour davantage d'éclaircissements sur sa biologie. Ces travaux constituent un énorme espoir pour les patients diabétiques, puisqu'ils ouvrent sur la possibilité future de remplacer ou de régénérer le tissu pancréatique afin de rétablir une production normale d'insuline.
LE DEVELOPPEMENT du pancréas à partir de l'endoderme de l'embryon est un processus complexe, incluant la formation des bourgeons pancréatiques, suivie de leur fusion, de la différenciation des cellules exocrines et endocrines du pancréas, puis de la migration de ces dernières pour former les îlots de Langerhans. Ces étapes commencent maintenant à être connues : elles sont sous la dépendance de signaux émis par les tissus adjacents, dont le mésoderme, et de l'expression, coordonnée dans le temps et dans des territoires précis, de nombreux facteurs de transcription.
Les deux bourgeons pancréatiques.
Bien avant que n'apparaissent les premiers signes morphologiques, alors que l'embryon a une dizaine de somites, certains gènes s'expriment dans l'endoderme présomptif du pancréas. L'un des premiers est le gène Pdx1, dont l'expression marque initialement les territoires endodermiques qui formeront le pancréas et s'étend progressivement à l'ensemble du duodénum et à l'estomac postérieur.
La notochorde (ébauche primitive de l'axe central du corps des vertébrés), qui est en contact transitoire avec l'endoderme dorsal aux stades précoces de la genèse des somites, envoie des signaux indispensables à l'induction de nombreux gènes du pancréas endocrine et exocrine, dont Pdx1. La notochorde s'éloigne ensuite de l'endoderme, poussée dorsalement par l'aorte. Celle-ci, de même que d'autres vaisseaux sanguins, a la capacité de stimuler la différenciation des cellules endocrines dans l'endoderme pancréatique.
Après le début de l'expression des premiers facteurs de transcription caractéristiques du pancréas, Pdx1 et Ptf1a, deux bourgeons, se forment dans le duodénum, l'un dorsal et l'autre ventral. Ces deux bourgeons se développent à la charnière entre estomac et duodénum, dans le domaine qui exprime Pdx1. Lorsque ce gène est inactivé, les bourgeons pancréatiques se forment, mais demeurent de petite taille et peu ramifiés.
Certains gènes sont nécessaires à la différenciation de l'ensemble des cellules endocrines. Tel est, en particulier, le cas du facteur de transcription de la neurogénine 3 (ngn3) qui exerce une fonction essentielle, car il induit l'expression de plusieurs gènes importants, qui sont absents du pancréas lorsque ngn3 est inactivée.
Les cellules endocrines se forment dans la partie distale des bourgeons épithéliaux ramifiés du pancréas et quittent l'épithélium à E16,5. Elles migrent dans le mésenchyme et s'agrègent pour former les îlots de Langerhans. Des expériences de chimères d'agrégation chez la souris ont montré que les îlots sont d'origine polyclonale. Leur architecture, conservée, semble être importante pour l'homéostasie du glucose. Les cellules à insuline siègent au centre des îlots, alors que les cellules à glucagon, à somatostatine et à peptide pancréatique (PP) sont situées à la périphérie.
L'homéostasie des cellules bêta reste mystérieuse.
Plusieurs équipes ont tenté de déterminer si le renouvellement des cellules bêta s'effectue à partir des cellules souches présentes dans le pancréas ou simplement par duplication des cellules bêta existantes. Les travaux menés ont fourni des résultats souvent contradictoires. Y. Dor et coll. ont toutefois publié une étude (« Nature » 2004 ; 429 : 41-46) tendant à montrer que, pendant la vie adulte, il ne se produit aucune formation de nouveaux îlots à partir des progéniteurs cellulaires et que les cellules bêta préexistantes constituent la principale source de nouvelles cellules bêta au cours des processus de régénération pancréatique.
Selon d'autres auteurs, il semblerait néanmoins que, dans certaines circonstances particulières, telles qu'une pancréatectomie partielle, des cellules bêta puissent se former à partir de cellules souches dites facultatives, parce qu'elles interviendraient uniquement dans ce type de processus régénératif.
On peut donc dire que, à ce jour, les mécanismes de formation de nouvelles cellules bêta au cours de la régénération du pancréas demeurent mal établis et qu'aucune réponse définitive n'a encore été apportée à la question de l'homéostasie des cellules bêta.
Quels rôles les glucocorticoïdes jouent-ils ?
Cela fait maintenant une quinzaine d'années qu'a été formulé le concept du déterminisme foetal du syndrome métabolique. Il a notamment été établi qu'un nourrisson présentant un faible poids de naissance est exposé à un risque six à dix fois supérieur de devenir ultérieurement diabétique. Deux grandes hypothèses ont été avancées pour expliquer ce phénomène. La première est celle de l'apparition précoce d'une insulinorésistance périphérique. La seconde est que le fait de naître avec un faible poids découle d'une sous-nutrition intra-utérine, laquelle aurait des effets délétères sur les cellules foetales, ce qui favoriserait l'apparition d'un diabète au cours de la vie de l'individu. Cette seconde hypothèse a été vérifiée par des travaux expérimentaux chez le rat. Ces derniers ont, en effet, montré que l'induction d'un état de malnutrition chez des femelles gestantes entraîne une diminution du nombre de cellules foetales, qui va de pair avec une élévation anormale de la corticostéronémie maternelle et foetale, la corticostérone étant l'équivalent du cortisol chez le rat. Si l'on empêche l'élévation de la corticostéronémie chez la mère en pratiquant une surrénalectomie, on observe que la masse des cellules bêta est quasiment normale à la naissance des jeunes rats. De même, il a été démontré que, chez le rat normalement nourri, dans toutes les situations où le foetus est soumis à un excès de glucocorticoïdes, le nombre de cellules bêta qui se forment est diminué, alors que celui-ci est pratiquement doublé lorsque le foetus est placé en situation d'hypocorticostéronémie. Ces expériences montrent donc que la masse des cellules bêta est négativement corrélée avec les concentrations en glucocorticoïdes.
Des modèles in vitro ont, par ailleurs, permis d'objectiver que, dès le stade embryonnaire, les glucocorticoïdes favorisent la différenciation des bourgeons pancréatiques en tissu exocrine et dépriment leur différenciation en tissu endocrine.
Le rôle majeur que jouent les récepteurs aux glucocorticoïdes (RG) a également été mis en évidence par une série d'études expérimentales. Celles-ci ont montré que, si la présence de ces récepteurs n'est pas nécessaire aux phases précoces du développement du pancréas, elle est, en revanche, indispensable à la survie et à l'organisation du tissu pancréatique.
Afin de déterminer si les observations recueillies chez l'animal étaient transposables à l'homme, des études par immunohistochimie et PCR en temps réel ont été réalisées sur des pancréas foetaux humains à différents stades de développement pour mesurer l'expression des RG en la rapportant à celle des hormones pancréatiques. Ces travaux ont confirmé que, chez l'homme, l'expression des récepteurs au sein des cellules exprimant Pdx1 est également contemporaine de la formation des îlots pancréatiques. Sans que l'on puisse en conclure que les effets des glucocorticoïdes tels qu'ils ont été observés chez le rat s'exercent de façon parfaitement similaire chez l'homme, les données recueillies montrent que la « machinerie » protéique est présente au cours de la période critique du développement pancréatique.
Est-il envisageable de remplacer les cellules bêta chez le diabétique ?
Le remplacement des cellules bêta chez les patients diabétiques peut se concevoir selon deux modalités différentes : le recours à une thérapie cellulaire classique, avec implantation de cellules produites in vitro, ou une approche consistant à induire la régénération des cellules in situ.
S'agissant de la thérapie cellulaire, on est désormais en mesure d'obtenir, à partir de cellules embryonnaires humaines ou de cellules adultes cultivées in vitro, des cellules capables de produire non seulement de l'insuline, mais aussi du glucagon (K. A. D'Amour et coll., 2005 et 2006). Cela peut permettre, à terme, l'obtention d'îlots ou de groupements de cellules bêta et alpha.
La voie de la « médecine régénérative » pose, en revanche, de multiples problèmes tenant, d'une part, au manque de techniques non invasives utilisables pour quantifier la masse des cellules bêta chez l'homme et, d'autre part, à la difficulté d'activer des mécanismes dont on ignore quasiment tout.
A côté de la régénération des cellules in situ, une autre approche est actuellement l'objet de nombreuses études, laquelle consiste à générer des cellules bêta extrapancréatiques par transdifférenciation ou dérivation à partir de précurseurs cellulaires.
D'après les communications de Gérard Gradwohl (Inserm U381, Strasbourg), Bernadette Bréan (institut biomédical des Cordeliers, Paris), Philippe Halban (département de médecine génétique et développement, université de Lausanne, Suisse). Symposium « Naissance, vie et mort de la cellule bêta ».
Les deux pancréas
Le pancréas est constitué de deux tissus glandulaires étroitement associés, l'un formé de cellules exocrines, qui sécrètent des enzymes libérées dans l'intestin, et l'autre de cellules endocrines, qui sécrètent des hormones dans le sang.
Le pancréas exocrine est une glande acineuse, alors que le pancréas endocrine est constitué de quatre types cellulaires différents regroupés dans les îlots de Langerhans, qui sont répartis dans le mésenchyme entre les branches du pancréas exocrine. Les cellules endocrines et exocrines dérivent toutes de l'endoderme et sont enveloppées de tissu conjonctif et de vaisseaux sanguins (tous deux d'origine mésodermique) et de cellules nerveuses et gliales provenant de la crête neurale.
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