L’ANEMIE, définie par un taux d’hémoglobine inférieur à 12 g/dl, est une complication fréquente des cancers et de leurs traitements. Non seulement elle retentit de façon importante sur la qualité de vie des patients par la fatigue qu’elle engendre, mais elle est également associée de façon indépendante à une diminution de la réponse aux traitements, de la survie sans récidive et de la survie globale.
La European Cancer Anaemia Survey (ECAS) est une enquête multicentrique prospective conduite dans 24 pays européens auprès de plus de 15 000 patients atteints d’hémopathies malignes ou de tumeurs solides suivis pendant six mois, qui confirme l’importance de la prévalence et de l’incidence de l’anémie.
A l’enregistrement, 39,3 % des patients étaient anémiques, 10 % avaient un taux d’hémoglobine inférieur à 10 g/dl. L’anémie a été constatée dans toutes les localisations cancéreuses, quel que soit le statut de la maladie, en présence ou en l’absence de traitement et quelle que soit la nature de celui-ci.
Un facteur de mauvais pronostic.
Au cours du suivi, la prévalence de l’anémie atteignait 67 % avec pour 39,3 % des patients un taux d’hémoglobine inférieur à 10 g/dl, de nombreux malades ayant débuté un traitement, notamment, pour certains, une chimiothérapie.
Un certain nombre d’études démontrent que l’anémie est, par elle-même, un facteur de mauvais pronostic dans les tumeurs solides avec une augmentation du risque de décès, variant de 20 à 50 % selon le type de cancer, chez les patients dont le taux d’hémoglobine est inférieur à 12 g/dl.
Un des mécanismes en cause est une majoration de l’hypoxie tumorale, qui favorise la résistance des tumeurs à la radiothérapie et à la chimiothérapie. Il apparaît donc primordial de corriger une anémie avant ou pendant un traitement cytotoxique, ce qui permet également d’améliorer la qualité de vie des patients.
Or, comme le révèlent les données de l’ECAS, 60,1 % des patients anémiques n’ont pas été traités de façon spécifique pour leur anémie.
Seulement 39,9 % ont reçu un traitement spécifique : 14,8 % ont été transfusés, 18,2 % ont reçu de l’érythropoïétine et 6,9 % uniquement du fer.
Plus de 80 % des malades se plaignent de fatigue, dont la cause principale est l’anémie. Cette fatigue n’est pas suffisamment prise en compte, l’anémie n’est pas corrigée, alors que de nombreuses directives (EORTC, l’ASH, l’ASCO…) contiennent des recommandations qui permettent de la traiter efficacement.
L’érythropïétine diminue le recours aux transfusions.
L’utilisation de l’érythropoïétine chez les patients cancéreux et anémiques améliore la qualité de vie et diminue le recours aux transfusions qui n’ont qu’une action transitoire et sont associées à un certain nombre de risques.
Le traitement par érythropoïétine doit être entrepris tôt, dès que le taux d’hémoglobine est inférieur à 10-11 g/dl et doit se poursuivre jusqu’à l’obtention d’un taux d’hémoglobine égal à 12-13 g/dl sans dépasser ces taux, car au-dessus on peut favoriser le risque de thrombose, et la qualité de vie n’est pas meilleure (1).
Trois érythropoïétines sont commercialisées, Eprex (epoetin alfa), NeoRecormon (epoetin beta), Aranesp (darbepoetin alfa), ces traitements permettent d’obtenir une remontée de l’hémoglobine de l’ordre de 1 à 2 g/dl en un mois.
L’ensemble de ces données conduisent à mieux prendre en charge l’anémie chez les patients cancéreux pour optimiser leur qualité de vie et améliorer les résultats du traitement.
Cette stratégie s’intègre dans le cadre des soins de support en oncologie qui correspondent à une organisation coordonnée de différentes compétences impliquées conjointement aux soins spécifiques oncologiques dans la prise en charge des malades : professionnels de lutte contre la douleur, équipes de soins palliatifs, professionnels formés dans les domaines de la nutrition, de la psycho-oncologie, professionnels travaillant à l’accompagnement social des patients, équipes travaillant dans le domaine de la réadaptation fonctionnelle.
Ces soins visent à assurer la meilleure qualité de vie possible aux patients tout au long de leur maladie, autant sur le plan physique, psychologique que social, en prenant en compte la diversité de leurs besoins et ceux de leur entourage.
D’après un entretien avec le Pr Maurice Schneider, centre Antoine-Lacassagne, Nice.
(1) Bokemeyer C. Europ J Cancer 2004 ; 40 : 2201-16
Anémie : taux d’hémoglobine < 12 g/dl
Anémie légère : taux d’hémoglobine entre 11,9 g et 10 g/dl
Anémie modérée : taux d’hémoglobine entre 9,9 et 8 g/dl
Anémie sévère : taux d’hémoglobine < 8 g/dl
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