DE NOTRE CORRESPONDANTE
LE BALLON roule sur la chaussée, l'enfant traverse pour le chercher, et c'est l'accident. Traumatisme crânien. S'ensuivent des jours, des nuits et des semaines d'angoisse pour les parents, qui appréhendent l'avenir pour leur enfant, cérébro-lésé. Puis vient le moment où il faut faire face aux ruptures familiales, amicales, scolaires ou professionnelles qui découlent du handicap.
C'est cette immense souffrance, cette « rupture de vie » exprimée par les familles concernées qui constitue le fait marquant de l'étude réalisée par la Cram Rhône-Alpes. Exposée à Lyon, en présence des familles, qui ont largement participé à sa réalisation, mais également des médecins de rééducation fonctionnelle et des représentants d'institutions, elle constitue un document de référence sur le parcours de la personne cérébro-lésée.
En Rhône-Alpes, 14 000 à 17 000 personnes sont chaque année victimes de traumatisme crânien, dont environ 800 présentent des séquelles importantes. L'étude fournit d'ailleurs, pour la première fois, une photographie de la population concernée : elle était âgée, en moyenne, de 29 ans lors de l'accident et de 37 ans au moment de l'enquête et elle est majoritairement masculine (81 % des cas). Le traumatisme crânien est à l'origine de lésions cérébrales pour 71 % des personnes interrogées (79 % des hommes et 54 % des femmes).
L'enquête fait ressortir l'ampleur des séquelles et déficiences, puisque 4 personnes sur 5 présentent au moins une séquelle physique et 3 sur 5 en ont au moins deux. Le retentissement psychique est évoqué par 79 % des personnes interrogées, et plus de 93 % d'entre elles évoquent des déficiences cognitives, principalement des difficultés de mémoire. Toutes ces séquelles constituent des difficultés quotidiennes à surmonter. Mais elles sont loin d'être les seules, puisque 75 % des personnes cérébro-lésées estiment que l'accident a également eu des répercussions sur leur vie personnelle et familiale : rupture conjugale, éloignement de la famille ou éviction du réseau amical. En parallèle, la réinsertion professionnelle ou la reprise d'une scolarité est souvent difficile.
Les familles font état, enfin, « d'un relâchement du suivi spécifique des professionnels lorsque la lésion est survenue depuis quelques années déjà et un sentiment d'isolement (...) face à l'absence de réponses sociales à leurs besoins », écrivent les auteurs de l'étude. Néanmoins, l'enquête révèle aussi que certaines familles confrontées au handicap ont pu mettre en place, voire inventer, de multiples stratégies d'adaptation.
Améliorer la filière de soins.
Interrogés de leur côté, les professionnels concernés par la prise en charge des personnes cérébro-lésées en soulignent les nombreuses limites : inégalités des chances d'un accès à une prise en charge adaptée, personnel encore insuffisamment qualifié, soutien insuffisant aux familles et manque de places en structures de travail protégé. Tous s'accordent sur l'importance et l'utilité de développer un travail en réseau, comme le préconisait déjà la circulaire du 18 juin 2004 relative à la filière de prise en charge des blessés crâniens et médullaires. Un projet élaboré dans ce sens en Rhône-Alpes est aujourd'hui sur les rails. Reste à trouver les fonds nécessaires puisque, dans l'enquête, les professionnels soulignent également l'insuffisance de moyens et de financements. « La réponse aux différents manques soulignés par cette étude n'est pas uniquement financière », estime Eliane Delorme, directrice de l'action sociale à la Cram. Et d'argumenter : « La situation peut se régler par une amélioration de l'accompagnement des personnes handicapées par notre service social, par des actions de facilitation du maintien à domicile et du maintien à l'emploi - par exemple, il s'agit de convaincre les entreprises qu'on peut arriver à limiter les licenciements pour inaptitude et trouver un poste adapté au handicap. » Pour la Cram, l'enjeu est majeur : le développement de l'intégration sociale des personnes cérébro-lésés et l'amélioration de leur qualité de vie participent à la prévention de la dépendance. D'ailleurs, elle souhaite être présente au sein des commissions exécutives des maisons du handicap prévues par la nouvelle loi sur les personnes handicapées, qui doivent être mises en place par les conseils généraux.
* « Lésions cérébrales, regards croisés », 189 pages. Contacts : tél. 04.72.91.96.84/94.
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