Il n'existait pas, à ce jour, de traitement efficace contre la microsporidiose intestinale. Cette infection qui se rencontre chez les personnes immunodéprimées est à l'origine d'une diarrhée chronique, d'une malabsorption et d'une perte de poids.
Une étude contrôlée, menée par l'ANRS (Agence nationale de recherche sur le sida), confirme cette semaine, dans le « New England Journal of Medicine », l'efficacité de la fumagilline. Cet agent antibiotique avait déjà obtenu de bons résultats chez des patients immunodéprimés souffrant de microsporidiose, sans néanmoins en apporter la preuve scientifique.
La fumagilline est un antibiotique dérivé du champignon Aspergillus fumigatus, actif in vivo sur la microsporidiose des abeilles et in vitro sur les spores d' Enterocytozoon Bieneusi. Chez l'homme, la fumagilline a été utilisée durant plus de quarante ans pour traiter l'amibiase intestinale et continue d'être prescrite en topique local pour la kératoconjonctivite à microsporidie.
L'étude « ANRS 090 », menée conjointement par des équipes de l'hôpital Saint-Louis et du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière (Paris), a inclus douze patients (dix sida et deux transplantés) dans une étude contrôlée randomisée en double aveugle. Elle était destinée à confirmer l'efficacité de l'antibiotique sur les microsporidies. Les critères d'inclusion étaient stricts (d'où le petit nombre de candidats inclus) : patient immunodéprimé infecté par le VIH ou transplanté, porteur d'une microsporidiose intestinale prouvée par la présence de spores dans deux examens de selles durant les quinze jours précédant l'étude, pas de modification du traitement antirétroviral ou immunosuppresseur dans les deux mois précédents. Par ailleurs, tout traitement susceptible d'induire une augmentation du risque de thrombocytopénie ou de saignement (aspirine, chimiothérapie) pouvant modifier le métabolisme de la fumagilline (rifampicine, rifabutine, phénobarbital, cimétidine, phénytoine, antiacide) ou ayant une certaine activité contre les microsporidies était un critère d'exclusion. De même, un chiffre de plaquettes inférieur à 150 000/mm3, de neutrophiles inférieur à 1000/mm3, d'hémoglobine inférieur à 8 g/dl, une créatinine sérique inférieure à 170 μmol/l, des transaminases supérieures à 3 fois la normale et une lipase sérique supérieure à 2 fois la normale étaient également des critères d'exclusion.
Après randomisation, six patients ont reçu durant quinze jours la fumagilline (20 mg, 3/j, à jeun) fournie par le laboratoire Sanofi-Synthélabo et six autres un placebo. Quinze jours après la fin de l'étude, les patients toujours porteurs de microsporidies dans les selles ont reçu en ouvert le traitement actif à la même dose durant deux semaines. Les patients chez qui les spores n'étaient plus retrouvées étaient ensuite suivis mensuellement jusqu'à la survenue d'une rechute parasitologique.
Efficacité de 100 %
A l'issue des 15 jours d'étude contrôlée (période durant laquelle aucun sujet n'est sorti du protocole), tous les patients traités par fumagilline n'avaient plus de E. Bieneusi dans les selles, alors que ceux sous placebo en étaient toujours porteurs (100 % vs 0 %). Les patients traités par fumagilline avaient une augmentation significative de l'absorption du D-xylose, un poids moyen des selles abaissé par rapport au placebo et une amélioration significative de l'indice de Karnofski. A la quatrième semaine, aucun patient sous traitement actif ne prenait plus de lopéramide, contre 4 dans le groupe placebo. Néanmoins, si les selles étaient plus consistantes, le nombre total d'émissions était comparable dans les deux groupes.
Durant la phase de suivi, le taux de récidive à 40 jours était de 16,7 %. Malgré ces bons résultats, les investigateurs ont constaté des effets indésirables graves liés à une atteinte sévère des lignées hématopoïétiques (thrombopénie, leuconeutropénie), atteinte régressive dans les deux semaines suivant l'arrêt du traitement (4 en phase contrôlée et 7 en phase ouverte). En conclusion, expliquent les auteurs, la fumagilline est un traitement efficace contre les microsporidies intestinales dont l'utilisation ne peut pas être envisagée en l'absence de surveillance hématologique stricte (tous les deux jours). Le mécanisme d'action de la fumagilline sur les spores de microsporidies demeure inconnu.
Jean-Michel Molina et coll., «N. Eng J. Med», vol. 346, n° 25, 20 juin 2002.
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