FAUT-IL y voir une coïncidence du calendrier ?
A l'heure où l'ex-opposant MG-France rejoint le giron conventionnel et s'active dans les états généraux de l'organisation de la santé (EGOS), le syndicat replace sous les feux de la rampe le sujet porteur, mais toujours méconnu des pouvoirs publics, des «médecins généralistes en souffrance». Un phénomène qui gagne du terrain si l'on en croit les travaux récents de plusieurs unions régionales de médecins libéraux (1) . Une façon aussi pour ce syndicat de s'approprier un dossier sensible au moment où le gouvernement s'attelle à la redéfinition des missions du médecin généraliste. MG-France se démarque enfin des bisbilles actuelles provoquées par la répartition de quelques sièges conventionnels.
Opportuniste MG-France ?
Le Syndicat des médecins libéraux (SML) «s'étonne» de la volonté de «récupérer le burn out par une organisation qui semble découvrir ce difficile problème». Même si le SML ne nie pas la réalité «dramatique» du surmenage «particulièrement des généralistes».Pour le
Dr Michel Chassang , président de la CSMF, «il existe un burn out latent dans plusieurs spécialités dont la médecine générale, les chirurgiens et les anesthésistes. Mais ne jouons pas avec ce sujet sérieux».
Les causes du mal-être.
Les principaux éléments du diagnostic sont connus : un généraliste sur deux se déclare menacé de burn out, selon une enquête francilienne (« le Quotidien » du 28 juin 2007) ; il existe un taux d'incidence accru du suicide chez les médecins ; et la CARMF relève une augmentation régulière des journées de travail indemnisées pour les arrêts de plus de trois mois.
Les causes du mal-être sont identifiées : paperasserie envahissante, charge de travail – cinquante-huit heures hebdomadaires en moyenne –, exigence des patients, crise identitaire, contraintes, isolement, absence de secrétariat, insécurité, contentieux juridiques…
Mais l'affaire, assène MG-France, serait plus grave qu'on ne l'a dit. Au point que la situation commande une prise de conscience «politique». «De plus en plus de confrères nous disent qu'ils n'en peuvent plus, martèle le président du syndicat Martial Olivier-Koehret . Cela conduit à un phénomène de “déplaquage” qui s'amplifie et qui n'est pas neutre pour la société. Pour ceux qui restent, la souffrance prend des formes identifiées comme le burn out [syndrome qui combine épuisement émotionnel, déshumanisation de la relation à l'autre et perte du sens de l'accomplissement de soi au travail] ». Subieen silence, cette souffrance «dégrade la relation avec le patient, altère la qualité des soins et aboutit à des surprescriptions», énumère le Dr Vincent Rébeillé-Borgella, vice-président de MG-France . Le burn out quitterait ainsi la sphère médicale pour devenir enjeu de santé publique. Et possible cause nationale.
La démographie, facteur aggravant.
Le blues des blouses blanches est-il si profond ? «La situation empire, estime aussi le Dr François Baumann, président d'honneur de la Société de formation thérapeutique du généraliste (SFTG), auteur de “ Burn Out. Quand le travail rend malade ” . On est dans une période où la médecine générale est exposée, comme l'illustre le suicide récent d'un généraliste dans le Pas-de-Calais [qui se reprochait un mauvais diagnostic sur un patient décédé]. La démographie est un facteur aggravant, de même que le manque de remplaçants. Lors des séances de FMC, je vois de plus en plus de confrères surmenés qui sont… à la recherche de contacts humains!»
Quels remèdes apporter ? Pour MG-France, le bât blesse car notre pays n'offre aucune « réponse spécifique» pour ses soignants en souffrance contrairement à l'Angleterre, l'Espagne, le Canada. Une ligne téléphonique anti-burn out*, qui reçoit peu d'appels, est pourtant expérimentée dans deux régions (lire encadré). Mais, pour le président de MG-France, «il faudrait une impulsion des pouvoirs publics» sur ce dossier . Plusieurs mesures réclamées par le syndicat sont déjà dans les tuyaux des états généraux : aides au remplacement ; promotion de l'exercice en groupe ; maisons de santé ; redéfinition explicite des missions du généraliste ; sensibilisation des carabins au métier ; ou encore diversification des modes de rémunération. «Le paiement à l'acte exclusif ne permet pas au généraliste de bien s'organiser», résume le Dr Olivier-Koehret. Même si certains praticiens objecteront que c'est le montants des tarifs qui est en cause. Le syndicat avance ou reprend à son compte d'autres idées : la création d'un «numéro de téléphone dédié» (national et porté par les pouvoirs publics)réservéaux généralistes en détresse ; une prise en charge spécifique anonyme ; le développement d'un service de médecine de prévention «incitatif» (afin d'identifier et d'aider les médecins à risque) ; des formations pour soigner les confrères ; la reconnaissance de l'épuisement au titre des «maladies professionnelles». Difficile aujourd'hui pour un médecin de lever le pied quand il ne perçoit des IJ qu'à partir du 91e jour.
Pour de nombreux experts, le plus important est d'aider les généralistes « à sortir le nez du guidon ». Pas simple. MG-France met en avant ses «450bilans de compétence» récents.
Selon le Dr Marie-Hélène Certain, secrétaire générale du syndicat, le premier point qui ressort de ces bilans, «c'est une prise de conscience pour s'inscrire dans un groupe d'échanges de pratiques» (groupes de pairs, Balint…).Un ballon d'oxygène utile pour briser la spirale infernale.
(1) Des études sur le mal-être des médecins ont été réalisées notamment en Bourgogne (2001), Champagne-Ardenne (2002) et en Ile-de-France (2007).
* 0826.004.580.
Célibataire, 50 ans, secteur I et... épuisé
Dans son étude sur l'épuisement professionnel des médecins libéraux, l'URML d'Ile-de-France avait esquissé le «profil» du médecin menacé de burn out : un généraliste célibataire (66% ), âgé entre 45 et 50 ans, exerçant en secteur I, pratiquant des visites à domicile, réalisant plus de 6 000 actes par an et consultant sans rendez-vous. Plusieurs facteurs personnels sont aggravants : difficultés financières, sentiment de fragilité psychologique, problèmes de santé ou affectifs.
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