Le président du syndicat de médecins généralistes MG-France tire la sonnette d'alarme face à ce qu'il considère comme des prémices d'étatisation par le gouvernement du système de santé.
Après la polémique sur la canicule, le Dr Pierre Costes n'est « pas calmé » et continue de déplorer l'absence de reconnaissance du « dévouement et des compétences » des professionnels de santé libéraux et en particulier des médecins généralistes, consultés à la fois « en première intention et en dernière extrémité ». Quant au récent plan de rénovation des urgences (« le Quotidien » du 2 octobre), il ne fait que démontrer, selon lui, la focalisation de l'attention de « l'Etat employeur » sur le seul hôpital public, au détriment des soins de ville. Aux yeux du Dr Costes, « le système de santé, c'est comme un iceberg », dont l'immense partie immergée se compose des soins ambulatoires assurés par les professionnels libéraux.
En outre, MG-France « observe », à travers le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2004, « une tendance à une étatisation progressive, un contournement des professionnels et au dépouillement des contrats passés avec l'assurance-maladie ». Le syndicat conteste en particulier la mesure du PLFSS qui consiste, selon le ministère de la Santé, à « permettre aux URCAM [unions régionales des caisses d'assurance-maladie, NDLR] de passer des conventions avec des groupements de professionnels de santé aux termes desquelles ceux-ci s'engageraient sur des objectifs d'évaluation et d'amélioration de leurs pratiques, assortis d'indicateurs quantifiés, en contrepartie d'une prise en charge des frais correspondants à ces actions (réunions, informations, entretiens...) et d'un éventuel intéressement ». Le Dr Costes voit dans ces conventions régionales, telles qu'elles sont présentées, le début d' « un cheminement vers le conventionnement individuel des médecins et de tous les professionnels de santé, sans la validation des syndicats ».
La « modernisation des outils de maîtrise médicalisée », prévue aussi par le PLFSS, va dans la même direction puisqu'elle consiste notamment à régionaliser l'élaboration des contrats de bonne pratique (ou CPP, contrats de pratiques professionnelles) et de santé publique (CSP). Jusqu'à présent, seuls les accords collectifs de bon usage des soins (AcBUS, issus de la loi du 6 mars 2002 sur la rénovation des dispositifs conventionnels) pouvaient être négociés au niveau régional, tandis que les CPP et CSP, à souscription individuelle sur la base du volontariat, étaient nécessairement le fruit d'une négociation collective et nationale. D'autre part, pour accélérer le processus de validation des CPP et CSP, le PLFSS propose de les dispenser d'une approbation ministérielle en les déconnectant des conventions nationales entre l'assurance-maladie et les professions de santé.
Enfin, le projet de loi veut donner une « légitimité médicale » aux CPP et CSP en subordonnant leur mise en uvre à « l'avis favorable » de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES). Cette agence étatique devient « le patron », constate le Dr Costes, alors que « les experts scientifiques ne peuvent pas assumer la responsabilité du choix politique de protection sociale pour les assurés ».
Si elles sont votées en l'état, ces mesures contenues dans le PLFSS 2004 vont marquer un coup d' « arrêt au mouvement en cours de contractualisation souple des AcBUS qui ont fait leurs preuves [sur les génériques, la visite à domicile et les antibiotiques, NDLR] et méritent d'être déployés ». Le président de MG-France rappelle l'adhésion récente du Syndicat des médecins libéraux (SML) à la convention généraliste, à la convergence des kinés et chirurgiens-dentistes vers « le dialogue et le mouvement réformiste ». Dans ces conditions, prévient le Dr Costes, si le PLFSS augure des choix « de la réforme de l'assurance-maladie » dans le sens d'une « contractualisation directe individuelle, (d'une) étatisation et d'une concertation » (au lieu d'une négociation), « on entre dans une logique d'affrontement », génératrice de « conflits durs avec les professionnels ».
Une conférence de consensus pour la régulation médicale
La Fédération de la régulation libérale (REGULIB, présidée par le Dr Pierre Grave, membre du bureau de MG-Urgence) « prend l'initiative d'organiser une conférence de consensus sur le thème de la régulation libérale des demandes de soins non programmés lors de la permanence des soins en médecine ambulatoire ». REGULIB est accompagnée dans cette démarche par plusieurs associations liées au syndicat MG-France : MG-Urgence, MG-Form, MG-Recherche et la Fédération des maisons médicales de garde.
Compte tenu de l'absence de recommandations et de la rareté de données en la matière, le groupe de travail qui sera mis en place « devra donc se baser surtout sur l'avis des professionnels et sur leurs pratiques pour définir l'état actuel de "l'art" », précise le Dr Grave. La conférence de consensus permettra de « standardiser les protocoles » et de protéger les professionnels, notamment vis-à-vis des assurances en responsabilité civile professionnelle (RCP), souligne le président de MG-France.
Cette conférence, qui pourrait se tenir « dans dix à douze mois », nécessite au préalable la mise en place d'un comité d'organisation qui définira les axes de travail, choisira les experts et les membres du jury. Ses recommandations seront ensuite soumises à l'ANAES pour validation méthodologique.
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