LES SPÉCIALISTES en médecine générale, dûment qualifiés, peuvent-ils coter « CS » sur leurs feuilles de soins comme tout spécialiste digne de ce nom ? La CNAM répond toujours par la négative et a (re)donné des consignes de fermeté aux directeurs de caisse (cotation CS «non conforme» à la réglementation, avertissement aux généralistes sur la procédure qui peut aller jusqu'au déconventionnement, information parallèle des patients, feuilles rejetées, refus partiel ou total de remboursement…) ; mais les opposants à la convention veulent croire à une jurisprudence en leur faveur qui ouvrirait une brèche.
Sur le terrain, les cadres locaux de MG-France ont pris la tête de la contestation et encouragent les médecins à porter leur requête devant les tribunaux. Une quarantaine d'affaires seraient suivies par le syndicat.
Qualifié « spécialiste » dès le 22 juin, le Dr Bruno Deloffre, président de MG-92 (Hauts-de-Seine), est sans doute le praticien le plus avancé dans cette voie du contentieux. Après avoir coté «deux actes en CS pour des patients en CMU», explique-t-il au « Quotidien », la procédure s'est enclenchée. Feuilles de soins rejetées, fin de non-recevoir de la CPAM, saisine de la commission de recours amiable. «N'ayant pas eu de réponse dans le mois», le Dr Deloffre a déposé un référé au début de septembre devant le TASS (tribunal des affaires de Sécurité sociale). Dans son ordonnance du 25 octobre, «le tribunal a botté en touche», regrette ce médecin (la validation ordinale de sa qualification a été contestée). La procédure suit son cours. Le Dr Deloffre (dûment requalifié) a fait appel et devrait être rejugé en janvier. Le dossier a surtout été transmis au TASS pour un jugement sur le fond (mais les délais habituels sont de plusieurs mois). «Pendant ce temps, un avenant a augmenté les actes techniques, il faut qu'on arrête de prendre les généralistes pour des abrutis», tempête le Dr Deloffre, figure emblématique du combat pour l'équité tarifaire.
Déconventionnement « de fait ».
Dans l'Eure, où plus de 250 généralistes ont déjà été qualifiés spécialistes, le Dr Thomas Bourez, président de MG-27, défend lui aussi une stratégie «radicale» et procédurière. Dans la Maison médicale où il exerce, les «sept médecins appliquent le CS», traduction d'une démarche «identitaire, pas financière». Selon lui, «une bonne trentaine de généralistes travaillent en CS». Là encore, la caisse locale n'a laissé planer aucun doute. «On n'est plus remboursés pour les patients en tiers payant, raconte le Dr Bourez. C'est un déconventionnement de fait.» Il ira «au TASS», sans doute au début décembre, avec le soutien logistique de MG-France. Les médecins concernés sollicitent également la protection juridique de leur assureur. Dans ce département, les médecins les plus mobilisés distribuent des tracts et arborent un T-shirt «je cote CS, et toi?».
Dans le Calvados, deux médecins pratiquant le CS sont dans le collimateur de la caisse (le Dr Marc de la Provôté, responsable local FMF, et le Dr Marc Delauné, membre actif de MG-14) ; «quelques autres» ont reçu des mises en garde. Pour le Dr Jacques Battistoni, délégué régional MG pour la Basse-Normandie, «leur situation est intenable, ils ont le couteau sous la gorge». Ici aussi, le conflit sera porté devant le TASS. «On a enclenché un mouvement de solidarité en appelant à pratiquer le CS à 23euros sur les actes en tiers payant», déclare le Dr Jacques Battistoni .
Dans la Drôme (26), enfin, la polémique sur le C = CS bat son plein (« le Quotidien » du 28 novembre). Une centaine de généralistes ont manifesté devant la CPAM pour l'égalité de traitement, accompagnés par des patients (eux-mêmes alertés du risque de non-remboursement). «Les contacts avec la caisse de Valence n'ont rien donné», déplore le Dr Geneviève Royannez, déléguée régionale de MG-France. Le syndicat a déposé une plainte au civil (pour dénoncer l'immixtion de la caisse dans les rapports médecins-patients) et le dépôt des requêtes devant le TASS est «imminent».
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