Cinéma
« Maîtres et valets », série télévisée anglaise, diffusée aussi en France il y a deux ou trois décennies, évoquait avec brio les relations maîtres-serviteurs dans l'Angleterre victorienne. Dans un autre genre, on a eu en France l'inoubliable et militante « Règle du jeu », de Jean Renoir. Tout ça pour dire que l'Américain Robert Altman, sans abandonner l'art du film choral qu'il maîtrise parfaitement et qui est sa marque de fabrique, plonge dans la lutte des classes façon aristocratie britannique autour d'une intrigue à la Agatha Christie.
Doubles jeux pour maîtres et valets
Dès les premières images, Altman plante un décor britishissime à souhait : la pluie, un manoir, une vieille lady dans toutes ses dentelles et son art de dire du mal des autres. Puis viendront le dîner aux chandelles, la partie de chasse et le ballet des domestiques au rôle figé par les siècles. Nous sommes en 1932, dans l'Angleterre éternelle, qui va disparaître tout en laissant des traces au plus profond des mentalités contemporaines. Mais la question n'est pas là. On le sait, il y aura un meurtre. Altman n'avait jamais tourné d'énigme policière à l'anglaise, un genre qui, dit-il, l'a toujours passionné. On pense à Agatha Christie bien sûr ou au Cluedo (non, ce n'est pas le colonel Moutarde qui est l'assassin). Encore que ce ne soit qu'un prétexte pour permettre au réalisateur de « Nashville » et « Short Cuts » de recréer une société toute entière et l'éventail des rapports sociaux et humains.
Car aussi bien chez ceux d'en haut, les maîtres, que chez ceux d'en bas, les valets, il y a des relations de pouvoir et de dépendance, des hiérarchies qu'il est difficile de bousculer, des jeux de l'amour et du hasard qui conduisent à changer de rôle.
la règle du jeu collectif
« Gosford Park », avec ses trente personnages quasiment aussi importants les uns que les autres, mériterait d'être vu deux fois tant il est difficile d'en appréhender en une seule vision toutes les intrigues. La mise en scène de Robert Altman avec ses deux caméras et son talent de chef d'orchestre y est naturellement pour beaucoup. Mais le travail des acteurs, de grands comédiens britanniques qui ont accepté la règle de ce jeu collectif, est non moins enthousiasmant. Pour n'en citer que quelques-uns : Alan Bates en imperturbable majordome, Michael Gambon en aristocrate qui se croit tout permis, Derek Jacobi en valet impeccable, Helen Mirren en gouvernante coincée, Emily Watson en femme de chambre éprise de liberté, Maggie Smith en vieille lady blasée, Kristin Scott Thomas en maîtresse de maison frustrée, Jeremy Northam, qui joue le seul personnage ayant existé, Ivor Novello, acteur, auteur dramatique et compositeur renommé des années trente... Une distribution qui compte tout de même quelques Américains, dont Bob Balaban, co-auteur avec Altman du sujet original et producteur, et Ryan Phillippe, aussi à l'aise ici que dans « Sexe Intentions », dans un tout autre genre.
Les oscars, dimanche prochain, ne devraient pas oublier ce portrait de groupe qui est aussi un magnifique hommage aux acteurs.
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