13 - 16 mars 2001 à Paris

Mettre fin aux mutilations sexuelles féminines, ici et là-bas

Publié le 19/04/2001
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Actuellement, entre 130 et 140 millions de fillettes et de femmes ont subi une mutilation sexuelle, et chaque année, deux millions de fillettes sont encore soumises à cette pratique dans le monde. En France, 30 000 femmes et fillettes sont excisées et 20 000 pourraient l'être bientôt. L'association Equilibres & Populations, présidée par le Dr Marie-Claude Tesson-Millet, mène un combat depuis plusieurs années contre les mutilations génitales féminines. Lors du colloque sur les « Mutilations génitales féminines, ici et là-bas » présidé par le Pr Claude Surreau (Paris),
Mme Linda Weil-Curiel, avocate, mais aussi Présidente de la commission de l'abolition des mutilations sexuelles a rappelé l'historique des affaires d'excision. « Ce sont les médecins qui ont commencé, explique Linda Weil-Curiel. Ce sont eux qui se sont inquiétés des mutilations dès les années 80, en particulier le Pr Levèque (hôpital Bretonneau, Tours). Il s'est étonné du mutisme des parents concernant les mutilations sexuelles et a interrogé la Chancellerie pour savoir si l'excision tombait sous le coup de la loi. »
La Chancellerie a répondu par l'affirmative puisque cette pratique pouvait être considérée comme sévices à enfant et entrait dans le cadre de l'article 312 : les sujets qui ont commis des violences volontaires ayant provoqué des mutilations ou le décès sans intention de la donner, seront poursuivis de peines criminelles.
En 1983, la Cour de cassation a émis un avis très précis :
« Le clitoris et les lèvres sont des organes érectiles féminins et leur absence à la suite de faits violents constituent une mutilation. » Cet avis a été émis pour une affaire concernant une enfant bretonne. S'est posée alors la question de savoir ci cet avis valait pour les enfants africains excisés et vivant en France.
« Cette question a suscité une controverse », poursuit Linda Weil-Curiel. La loi est une et indivisible et s'applique à toute personne vivant sur le territoire français. Il n'y a donc pas lieu de faire de discrimination en France. « Je n'attaquais pas des personnes, mais le geste, affirme Me Weil-Curiel, reprenant sa casquette avocat. Les Africaines ont compris qu'elles pouvaient se servir de la loi pour protéger leur fille. »

25 procès depuis 1987

Vingt-cinq procès ont été intentés depuis 1987. Les mères ont d'abord écopé de peines légères d'emprisonnement avec sursis, puis les sanctions ont été plus sévères notamment en février 1999. Une jeune fille a dénoncé une exciseuse, amie de ses parents. Après enquête, l'exciseuse a été arrêtée et plusieurs familles ont été auditionnées. « Les familles ont alors entendu les sévices, les conséquences et l'avenir des victimes. Elles ont entendu, insiste Me Weil-Curiel, la vie de ces jeunes filles devenues adultes, la torture qu'elles avaient subie ; elles ont répondu sur leur vie, sur leur sexualité, sur précisément la difficulté d'avoir des rapports sexuel.s» L'exciseuse a été condamnée à 8 mois d'emprisonnement.

L'impact d'un procès bien mené

« D'abord, les mères ont été très fâchées d'être traitées comme des criminelles mais l'ensemble des mesures préventives et répressives ont permis à beaucoup de familles de prendre conscience du mal qu'était fait à leurs enfants », explique Linda Weil-Curiel.
Les médecins doivent savoir que l'excision est une mutilation, qu'elle est interdite en France, et que la personne qui l'exerce encourt des sanctions pénales. Le signalement doit être fait auprès du procureur de la République s'il existe un soupçon sur une famille. Les médecins doivent également prévenir les familles que l'excision à l'étranger sur une petite fille française est condamnable.
Enfin, l'UNICEF, conscient du rôle qu'elle a à jouer contre les mutilations sexuelles, entame actuellement une grande action de lutte contre cette pratique. L'UNICEF s'appuie sur la Convention des droits de l'enfant. Divers projets ont été d'ores et déjà identifiés et bénéficient d'une aide financière du gouvernement français. Le GAMS (Groupes femmes pour abolition des mutilations sexuelles) et le comité interafricain présentent également des projets pour l'année 2001 afin de diminuer de façon significative la prévalence de l'excision, une activité qui consiste notamment à prendre en charge la souffrance des femmes, les complications médicales et à trouver des activités génératrices de revenu pour les anciennes exciseuses.

D'après un colloque d'actualité d'« Equilibres & Populations ».

Le témoignage du Gams

« Partout où passent les femmes africaines, nous essayons d'être un groupe de conscience, explique Khady-koïta, membre du Groupes femmes pour l'abolition des mutilations sexuelles (GAMS) . Elles ne connaissent pas leur corps. Il faut les convaincre de ne pas exciser leur petite fille. Il faut impliquer les maris. Les mères nous donnent des arguments, il faut les démolir. Il faut retourner aux sources. Lors de la 5e réunion du comité interafricain, qui réunissait 28 pays africains et certains pays occidentaux, tous ont parlé des expériences de leur propre pays et de l'avancement en Europe. Résultat : on est en retard dans le travail. Des prises de position religieuse existent encore. On essaye d'éradiquer l'excision par tous les moyens, surtout par la médicalisation. Les mutilations n'ont rien à voir avec les pratiques religieuses, insiste Khady-Koïta , car tous la pratique en Afrique. Le travail à accomplir est un travail de fourmi. Il reste à le compléter en allant dans les villages C'est là où il faut aller. En France paradoxalement, on est plutôt en retard. »


Dr Anne TEYSSÉDOU

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6902