De notre correspondante
à New York
« La plupart des altérations génétiques précédemment décrites dans les cancers colo-rectaux font intervenir une inactivation des gènes tumeur-suppresseurs. Les protéines produites par ces gènes sont difficiles à cibler avec des médicaments, car elles sont inactives ou absentes dans les cellules cancéreuses », explique l'équipe de chercheurs dirigée par les renommés Kenneth Kinzler et Bert Vogelstein (Johns Hopkins Medical Institutions, Baltimore). « En revanche, les enzymes dont l'expression est élevée dans les cellules cancéreuses, comme celle codée par le gène PRL-3, constituent d'excellentes cibles pour développer des médicaments. »
La métastase survient lorsque les cellules cancéreuses d'une tumeur primitive disséminent, par voie sanguine ou lymphatique, vers d'autres organes sains. Elle est responsable de la majorité des décès par cancer. On sait que les cellules métastatiques, comparées aux cellules des tumeurs primitives, présentent des modifications du cytosquelette, une perte d'adhésion et une mobilité accrue, et qu'elles expriment des enzymes protéolytiques qui dégradent la membrane basale. Toutefois, on ignore encore beaucoup de choses sur le processus métastatique.
Le cancer colo-rectal ne fait pas exception. Ainsi, si les gènes associés à la survenue et à la progression du stade invasif (ou cancéreux) ont été identifiés, on ne connaît pas encore de gène qui soit constamment et spécifiquement activé dans les métastases du cancer colo-rectal, et en particulier dans les métastases hépatiques, habituellement responsables du décès des patients.
L'étude des métastases hépatiques
Saha, Kinzler, Vogelstein et coll. ont voulu en savoir plus et sont allés à la recherche des gènes impliqués dans le processus métastatique du cancer colo-rectal. Pour cela, ils ont comparé le profil global d'expression des gènes dans les métastases hépatiques du cancer colo-rectal, aux profils trouvés dans le cancer colo-rectal primitif, les tumeurs colo-rectales bénignes et dans l'épithélium colo-rectal normal. Ils ont découvert que le gène PRL-3 est le seul gène surexprimé dans toutes les métastases étudiées.
Sachant que le gène PRL-3 code pour une tyrosine phosphatase, et connaissant le rôle important joué par d'autres phosphatases dans le signal de la cellule et la transformation maligne, les chercheurs ont examiné de plus près l'expression de ce gène. Alors que le gène PRL-3 est exprimé en grande quantité dans chacune des dix-huit métastases étudiées, il est exprimé plus faiblement dans les cancers colo-rectaux non métastasés, et quasiment pas dans l'épithélium colo-rectal normal.
Amplification du gène PRL-3
L'observation d'une expression plus élevée du gène dans la métastase suggère un rôle causal. Mais une façon plus définitive d'impliquer un gène dans le cancer est d'identifier des altérations de ce gène. Les chercheurs ont donc voulu savoir si le gène PRL-3 est génétiquement amplifié. Ce mécanisme est connu pour augmenter dans les cancers l'expression des gènes régulateurs de croissance. Ils ont localisé le gène PRL-3 sur le chromosome 8q24 et ont examiné sa séquence dans les métastases de douze patients. Dans un quart des métastases, de multiples copies du gène PRL-3 (de 25 à 37 copies) ont été trouvées dans un petit amplicon sur le chromosome 8q24.
Des études supplémentaires sont nécessaires pour déterminer par quel(s) mécanisme(s) biochimique(s) PRL-3 influe sur la croissance maligne, ainsi que pour établir son rôle causal dans le processus métastatique. Mais, d'ores et déjà, cette découverte fournit une cible thérapeutique précieuse pour ces lésions réfractaires. Puisque des copies surnuméraires de segments du chromosome 8q ont été observées dans de nombreux types de cancers avancés, il sera intéressant d'évaluer son expression dans les métastases d'autres cancers.
Sciencexpress.org, 12 octobre 2001.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature