De notre envoyée spéciale à Clermont-Ferrand
« Ces actions témoignent de plusieurs injustices : à l'égard des malades qui méritent que d'autres s'investissent dans la recherche, des 70 personnes de l'équipe de Meristem et de tous ceux qui croient à l'innovation et à la recherche dans ce pays. » Les actions qu'évoque avec colère Bertrand Merot, fondateur et président de Meristem Therapeutics, lors d'une conférence de presse, ce sont les arrachages, dans la nuit du 15 au 16 août derniers, de 3 000 m2 de plants de maïs transgénique à usage thérapeutique, à Clemensat dans le Puy-de-Dôme.
La jeune start-up de biotechnologie utilise cette plante pour fabriquer une protéine, la lipase gastrique, capable de lutter comme les troubles digestifs des patients atteints de mucoviscidose. Cette enzyme extraite et purifiée à partir des grains de maïs génétiquement modifié est en cours d'études de phase II menées actuellement chez les malades en France, en Grande-Bretagne et en Belgique. Cet été, l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments (EMEA) a transmis un avis positif à la Commission européenne pour que la lipase gastrique soit désignée comme médicament orphelin.
« On a l'impression d'assister à un tournant dans ce type d'action de contestation, analyse Bertrand Mérot. Auparavant, les activistes répugnaient à s'en prendre aux applications thérapeutiques des OGM. Ils ne mettent plus en avant des arguments de type environnementalistes mais les arguments politiques liés à la mondialisation. »
« La recherche, oui, les profits, non ! Meristem, entreprise productiviste et impérialiste ! » : les slogans inscrits autour du champ par les activistes qui n'ont pas revendiqué les destructions sont en décalage avec la réalité de la recherche médicale en biotechnologie.
Au nom de l'association de patients Vaincre la mucoviscidose, son directeur scientifique, Stéphane Mazur, se dit « choqué que, pour la deuxième fois, les destructions frappent une des rares entreprises qui travaillent sur une maladie orpheline. Ces enzymes pancréatiques sont d'un intérêt vital pour l'amélioration de l'espérance de vie des malades ».« Quand on a vu poindre la lipase recombinante on a tout de suite été intéressé, confirme le Pr André Labbé, chef du service de pédiatrie de l'hôtel-Dieu de Clermont-Ferrand. Ces protéines issues d'OGM offrent davantage de sécurité pour les patients que les dérivés animaux. »
Problème stratégique
Pour l'instant, les recherches de Meristem sur la lipase gastrique ne sont pas remises en cause par ces destructions (5 % de l'ensemble des parcelles ont été touchés). M. Mérot tire néanmoins la sonnette d'alarme et en appelle aux pouvoirs publics : « Techniquement, ces dégâts pourront être surmontés mais, stratégiquement, c'est plus difficile face aux investisseurs, alors que notre entreprise fait chaque année de 6 à 7 milliards d'euros de perte jusqu'à la mise en marché de la lipase à l'horizon 2008. »
Le préfet de la région Auvergne, Pierre Mongin, n'a pas manqué de condamner les destructions : « En tant que représentant de l'Etat, je qualifie cet acte d'intolérable. La propriété foncière, agricole et intellectuelle a été bafouée. Tout sera mis en uvre pour assurer la sécurité des plants. Malheureusement, l'Etat ne peut à lui seul éviter de tels actes de terrorisme et je fais appel à la conscience de chacun pour qu'il respecte une démarche importante pour la défense de la santé humaine et de nos intérêts nationaux. Les plantes transgéniques suscitent des interrogations légitimes mais il faut dépasser les débats simplistes. Aucun des essais en champ n'a été improvisé ni décidé à la légère. Les autorisations associent les autorités locales, régionales et nationales. » Il reste que ces actions de destruction montrent une fois de plus la nécessité d'une meilleure information de l'opinion publique sur les organismes génétiquement modifiés, pour qu'un débat démocratique serein puisse avoir lieu.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature