THEATRE
PAR ARMELLE HELIOT
O FFICIELLEMENT « Pourquoi j'ai jeté ma grand-mère dans le Vieux-Port » appartient au genre roman. Mais comment ne pas croire, en suivant les pleins et les déliés de ce récit savoureux, drôle, émouvant, qu'il s'agit là de la « vraie » vie de la famille Valletti et, qu'en remontant le temps comme on suit les branches d'un arbre généalogique, l'écrivain ne nous parle que de lui et des siens ?
Pour qui le connaît un peu et connaît son uvre, c'est là supplément de bonheur, avec ce sentiment étrange de reconnaissance qui fait que l'on se dit, « mais, oui, c'est vrai, son père écrivait des polars », « mais, oui, Dolo-Dolorès, c'est bien cette grand-mère dont il parle si souvent... ».
Mais ce serait réduire « Pourquoi j'ai jeté ma grand-mère dans le Vieux-Port » que d'en faire un texte uniquement destiné à un petit cercle. Bien au contraire. Serge Valletti possède un extraordinaire talent de conteur. Quand on est né à Marseille, on appartient un peu à l'Orient. Et il a ce don de l'incise, du plein, du délié, de l'arabesque qui fait que son texte est tramé savamment et qu'en croyant suivre un fil unique - et il y a un fil unique - on ne cesse de battre la campagne, de sauter par-dessus les années ou les montagnes, d'être ici, là, ailleurs, tout près, très loin.
A la lecture, ce texte déjà possède un pouvoir magnifique. Mais la manière dont Marc Betton le monte et le joue avec sa fille, Céline Betton, en décuple les pouvoirs. Dans l'espace sans apparat du Studio (une salle de répétition, en fait), Betton nous offre une atmosphère très music hall et l'on n'est pas loin de penser à un certain Fellini. Il suffit d'un paravent, de la blonde perruque de la brune Céline, de certaines musiques, d'une malle oubliée - et ne rêve-t-on pas tous ces accessoires ? - pour que l'on soit dans un univers de grâce et de mélancolie. Marc Betton, avec ce qu'il a de moelleux, Céline Betton, avec ce qu'elle a d'aigu, déploient cette langue si simple apparemment, tellement savoureuse, et d'une admirable précision. Tous deux, sans effets appuyés, ont trouvé la juste dimension « dramatique » du texte, sa vérité. C'est tout un peuple qui surgit soudain, par la magie des mots, au filtre de ces deux beaux acteurs déliés et si intelligents. Un régal.
{Note}Théâtre National de Chaillot, le Studio, à 20 h 30 du mardi au samedi, en matinée le dimanche 13 mai à 15 h 00. Durée : 1 h 30 sans entracte. Jusqu'au 2 juin (01.53.65.30.00). Le texte de Serge Valletti a été publié aux éditions de L'Atalante.
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