IL lui a fallu un grand temps de réflexion avant de franchir le pas de la maternité. A 62 ans, une femme vient de donner naissance à un bébé de plus de 3 kilogrammes, dans une clinique de Fréjus (Var).
Elle n'a toutefois pas battu le record de deux autres femmes qui ont enfanté, chacune, à l'âge de 63 ans : une Italienne en 1994 (suivie par le Dr Severino Antinori, qui travaille actuellement au clonage d'êtres humains) et une Américaine en 1996.
Alors que l'âge moyen de la ménopause se situe autour de la cinquantaine, cette Française a choisi de suivre un traitement médical pour prolonger sa fécondité. Interdit en France (l'aide à la procréation assistée par le don d'ovocytes est réservée aux couples stériles en âge d'avoir des enfants), le traitement a été entrepris aux Etats-Unis.
« Nous avons interdit ce genre de pratiques puisque les couples doivent être en âge de procréer, ce qui, à 62 ans, se discute », a indiqué le ministre délégué à la Santé, Bernard Kouchner. Le Pr Claude Sureau, gynécologue-obstétricien, président d'honneur de l'Académie nationale de médecine, estime au contraire que la loi (textes législatifs relatifs à la bioéthique de 1994) laisse planer une ambiguïté. « Cette femme de 62 ans a prouvé qu'elle était en âge de procréer », fait-il remarquer. Pour Bernard Kouchner, l'âge de cette Française « n'est pas tragique, mais l'idée même (que la possibilité d'enfanter) serait illimitée est évidemment un problème », a-t-il souligné. « La maman et l'enfant, un garçon, se portent bien », a indiqué Philippe Lavernhe, directeur de la clinique des Lauriers, qui a mis à disposition « un plateau technique » pour cette naissance exceptionnelle. « Nous avons pris toutes les précautions, même renforcées, compte tenu de l'âge de la mère », a-t-il ajouté. Le gynécologue-obstétricien, qui « travaille régulièrement » dans cette clinique et « avec lequel nous avons un rapport de confiance », a assuré le directeur, a suivi la grossesse de cette patiente qu'il connaît depuis de longues années.
« Au regard des complications médicales que la mère peut encourir (des problèmes cardio-vasculaires en particulier), je ne peux pas dire que je suis favorable à une maternité aussi tardive, reconnaît le Pr Sureau. Mais puisque je ne connais ni les raisons qui ont motivé la mère ni les conditions de cette entreprise, je préfère m'abstenir de juger le comportement de cette femme. » En revanche, le Pr Sureau s'insurge contre l'absence de la confidentialité due aux personnes qui ont recours aux techniques de procréation médicalement assistée. « C'est un scandale absolu. Aussi bien en matière de recueil de sperme qu'en matière d'accueil d'embryon, la loi et ses applications ne garantissent pas la sécurité de la confidentialité. Comment a-t-on pu connaître l'histoire de cette femme? » En l'occurrence, l'indiscrétion d'un employé de l'état-civil de la mairie de Fréjus serait à l'origine de cette divulgation d'information.
Face aux « dérives assez incontrôlables » des progrès scientifiques, Bernard Kouchner a reconnu que le « désir de procréation » était fort. « Je me réjouis de cette nouvelle motivation procréative, a indiqué le Pr Sureau. La France connaît, grâce à cela, une nouvelle croissance de la fécondité. » Un désir d'enfanter qui, même extrême, ne lui semble pas forcément contraire à l'intérêt de l'enfant.
Le Pr René Frydman : faciliter le don d'ovocytes dans les cas médicaux
« Ma première réaction (face à cette femme de 62 ans qui vient de donner naissance à un bébé) est de dire que je voudrais qu'on ait plus de facilité pour faire des dons d'ovocytes, en France, pour des femmes qui sont en âge de procréer et qui ont une maladie génétique ou qui font une chimiothérapie par exemple », explique René Frydman, chef du service de gynécologie-obstétrique de l'hôpital Antoine-Béclère, à Clamart. « Mais sur un plan personnel, j'ai déjà vu des femmes dans une telle situation. Généralement, cette demande est entourée de beaucoup de tendresse et de désir. C'est très perturbant. Sommes-nous là toutefois pour répondre à tous les désirs inassouvis ? », s'interroge-t-il. « Si j'ai décidé de travailler dans le domaine de la procréation médicalement assistée, c'est plutôt pour répondre à des situations médicales. Face à la pénurie des dons d'ovocytes, qui sont, en France, gratuits et anonymes, je suis obligé de raisonner en me demandant à qui je réserve cette possibilité. C'est un engagement complètement différent. Nous sommes toujours amenés à faire des choix », explique-t-il. Concernant l'intérêt de l'enfant, René Frydman se montre prudent. « Je n'en ferais pas un argument. La situation est très complexe. Il n'y a pas de modèle idéal. Mais personnellement, je pense qu'il y un temps pour chaque chose, être mère et être grand-mère. »
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