Malgré la pollution des océans par le mercure, il n'y aurait pas de raisons sérieuses d'inciter les femmes enceintes à diminuer leur consommation en poisson afin de préserver leur foetus. En effet, durant la grossesse, une consommation de poisson pollué au méthylmercure (MeHg), même importante et régulière, n'aurait pas d'incidence sur le développement neurologique du foetus. C'est ce qu'ont pu mettre en évidence des scientifiques américains (NIH, Bethesda) en étudiant une cohorte d'enfants des Seychelles, région dans laquelle la consommation de poisson est très importante et la pollution de la mer par le mercure, moyenne.
L'exposition humaine au MeHg, une forme organique du mercure, passe essentiellement par la consommation de poissons et de fruits de mers pollués. Durant une grossesse, si une femme ingère des aliments contaminés, le MeHg traverse la barrière placentaire et contamine le ftus. Or le MeHg est un composé très toxique pour le système nerveux central : il inhibe des processus fondamentaux du développement cérébral, tels que la division et la migration des cellules neuronales. C'est pourquoi il a été suggéré qu'une exposition prénatale à ce polluant, par le biais de l'alimentation maternelle, était susceptible d'entraîner des troubles neurologiques.
Afin de tester cette hypothèse, Myers et coll. ont suivi plus de 600 enfants pendant neuf ans. Ils ont évalué leur développement à cinq reprises (aux âges de 6, 19, 29, 66 et 107 mois) et l'ont mis en relation avec le taux d'exposition de leur mère au MeHg au cours de leur grossesse.
La cohorte mères-enfants a été réunie aux Seychelles, car la consommation en fruits de mer y est élevée (environ 12 repas par semaine) et la concentration en MeHg mesurée dans les poissons locaux est similaire à celle retrouvée dans la majorité des océans (de l'ordre de 0,3 μg/g). Le degré d'exposition prénatal des enfants au MeHg a été évalué à partir de la quantité de mercure fixé dans les cheveux de leur mère (des cheveux ont été prélevés au moment de l'accouchement afin de réaliser cette mesure).
A l'issue de cette étude, il apparaît qu'une exposition prénatale importante au MeHg ne semble pas affecter le développement des enfants. En effet, parmi les 21 tests réalisés dans le dessein d'évaluer les fonctions neurocognitives et motrices des enfants ainsi que leur perception, leur mémoire et leur acquisition du langage, seulement deux tests ont donné des résultats s'écartant un peu de la norme : une épreuve de dextérité et une évaluation de leur hyperactivité. D'après le premier de ces tests, il est apparu que les garçons fortement exposés au MeHg in utero sont légèrement moins habiles de leur main non dominante que la moyenne des enfants. D'après le second test, il semble que les enfants issus de mères très exposées au MeHg durant la grossesse sont un peu plus hyperactifs que la moyenne. Cependant, pour Myers et coll., les différences observées dans ces deux tests sont probablement dues au hasard.
Pas de troubles neurologiques
Par conséquent, les auteurs concluent qu'une exposition prénatale régulière au MeHg, par le biais de la consommation de poissons pollués, ne conduit pas à la survenue de troubles neurologiques chez les enfants.
Ce résultat s'oppose à ceux qui ressortent de deux études similaires menées dans les îles Féroé et en Nouvelle-Zélande. Mais la différence entre les conclusions de Myers et coll. et celles de ces deux études antérieures tient probablement au fait que le poisson consommé aux îles Féroé et en Nouvelle-Zélande est entre cinq et sept fois plus contaminé par le MeHg que le poisson des Seychelles et de la grande majorité des régions dans le monde.
Par conséquent, en dehors des zones du globe dans lesquelles une pollution particulièrement élevée a pu être mise en évidence, il n'y a pas de raisons de réduire la quantité de poisson, aliment par ailleurs riche en protéines et autres nutriments, dans le régime des femmes enceintes.
G.J. Myers et coll., « The Lancet » du 17 mai 2003, pp. 1686-1692.
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