REFERENCE
DEUX MOYENS
Un certain nombre de facteurs de risque ont été déterminés mais leur valeur prédictive paraît peu fiable, 30 % des femmes en début de ménopause sans aucun facteur de risque connu ont déjà une diminution de leur densité minérale osseuse (DMO).
Deux moyens d'évaluation de la masse osseuse et de son évolution spontanée ou sous traitement sont actuellement disponibles :
- la densitométrie osseuse ;
- les marqueurs biologiques du remodelage osseux.
DENSITOMETRIE
L'absorptiométrie biphotonique à rayons X constitue actuellement la technique de référence :
- peu irradiante, contrairement au scanner ;
- très fiable : moins de 3 % d'erreur de mesure ; reproductibilité de l'ordre de 1 %.
Les sites
Les mesures peuvent être effectuées sur plusieurs sites, voire sur le corps entier.
Les sites de mesure les plus utilisés sont les vertèbres lombaires et l'extrémité supérieure du fémur.
Au-delà de 65 ans, ce dernier site apparaît plus fiable car moins susceptible d'être faussé par une arthrose.
Les résultats sont exprimés par référence à une population considérée comme « normale » :
- T score : différence entre la DMO mesurée et celle d'un adulte jeune, exprimée en « écart types » ou « déviation standard » (DS).
- Z score : différence entre la DMO mesurée et celle d'un individu du même âge.
Les définitions de l'ostéoporose et de l'ostéopénie établies par l'OMS en 1994 reposent désormais sur les données de la densitométrie osseuse exprimées en T score (cf. tableau 1).
Plusieurs études prospectives ont permis de démontrer que le risque de fracture doublait à chaque diminution d'une déviation standard de la densité osseuse, c'est-à-dire de 10 à 15 %.
On admet que le risque de fracture est estimé de façon identique quel que soit le site mesuré ; seul celui de fracture du col fémoral étant mieux estimé par mesure directe à ce niveau.
Limites de la mesure de la DMO
- Une arthrose ou des vertèbres fracturées fausseront les données de la densitométrie osseuse, qui garde cependant toute sa valeur sur les sites périphériques : extrémité supérieure du fémur, extrémité inférieure du radius notamment.
- La mesure de la DMO n'évalue pas la qualité de l'os ; ainsi, la diminution du taux de fracture induite par certains traitements anti-ostéoporotiques est-elle nettement plus importante que celle prédite par les gains densitométriques observés : ceux-ci sont par exemple de l'ordre de 1 à 2 % pour le raloxifène et de 3 à 6 % pour l'alendronate ou le risédronate pour une réduction fracturaire de l'ordre de 50 % pour ces produits.
En revanche, la réduction du nombre de fractures n'est patente que chez les femmes les plus déminéralisées : T score < ou = à 2,5 DS.
- En cas de mesures itératives, un délai de deux années en moyenne devra être respecté, les possibilités d'erreur de mesure pouvant dépasser les variations de la masse osseuse pour un délai trop bref ; il est également préférable de répéter les mesures avec le même appareil, des différences d'étalonnage pouvant se produire d'un appareil à l'autre.
- Des variations pondérales importantes peuvent également fausser les résultats de mesures itératives.
- Comme pour toute mesure en médecine, les données de la mesure de la DMO doivent être replacées dans leur contexte : ainsi, l'âge joue-t-il un rôle prédictif majeur : pour un écart de 4 DS (de + 1 à - 3), le risque de fracture du col fémoral est multiplié par 14 pour une femme de 50 ans, mais par 145 à 80 ans (fig. 1).
Le non-remboursement de la densitométrie osseuse
L'absence de remboursement de la mesure de la DMO constitue une injustice sociale, pénalisant les classes défavorisées, et apparaît tout à fait illogique à deux égards :
- prévention de l'ostéoporose, et nous avons vu que, pour plus de 30 % des femmes, l'étude des facteurs de risque ne permettait pas une évaluation correcte de la masse osseuse ;
- remboursement des médicaments anti-ostéoporotiques : ne pouvant pas s'appuyer sur les données de la DMO, cet examen n'étant pas remboursé, les autorités sanitaires ont retenu comme critère préalable au remboursement un antécédent de fracture ! Bonjour la prévention ! Ne pas reconnaître la définition de l'OMS de l'ostéoporose et attendre la fracture constitue une aberration inadmissible.
Se priver des données de la mesure de la DMO en matière de prévention ou de traitement de l'ostéoporose équivaut à ne pas mesurer le taux de cholestérol pour évaluer le risque coronarien ou ne pas tenir compte des chiffres de la tension artérielle pour prévenir les accidents vasculaires cérébraux.
MARQUEURS BIOLOGIQUES DU REMODELAGE OSSEUX
Constant remaniement
L'os est un tissu en constant remaniement, avec alternance de phases de formation par les ostéoblastes et de destruction par les ostéoclastes. A la ménopause, on assiste à une accélération des processus de remodelage osseux avec un déséquilibre au profit de la dégradation osseuse. On a ainsi décrit des femmes perdant de la matière osseuse lentement, et des femmes chez qui, au contraire, cette perte est rapide. Ces dernières sont évidemment plus exposées au risque d'ostéoporose postménopausique.
Une mesure unique de la DMO au moment de la ménopause ne suffira pas pour établir une distinction entre femmes perdant rapidement ou lentement de la matière osseuse : une DMO basse peut traduire un capital osseux faible ou dont la diminution peut être antérieure.
D'autre part, nous avons vu qu'un écart de deux années au minimum devait être respecté entre deux déterminations de la DMO, délai qui peut paraître long pour juger de l'efficacité d'un traitement préventif ou curatif.
Ainsi, la possibilité de doser les marqueurs du remodelage osseux apparaît-elle séduisante.
On distingue (tableau 2) les marqueurs de la formation osseuse, au premier rang desquels l'ostéocalcine et la phosphatase alcaline osseuse, et ceux de la résorption osseuse, au premier rang desquels les télopeptides terminaux, qui peuvent être dosés dans le sang ou les urines.
Utilité
Ces marqueurs peuvent être utilisés pour :
Déterminer la vitesse de la perte osseuse.
Au moment de la ménopause, on observe d'abord une augmentation des marqueurs de la résorption osseuse, de l'ordre de 50 à 150 %, suivie quelques mois plus tard par une augmentation de l'ordre de 50 à 100 % des marqueurs de la formation osseuse.
Une augmentation des marqueurs osseux, surtout ceux de la résorption, permett de prévoir une perte osseuse de deux à six fois plus importante, selon le site étudié, que si le marqueur est normal.
Prédire le risque fracturaire.
Une augmentation des marqueurs de la résorption osseuse constitue un facteur prédictif du risque fracturaire.
Bien que ce phénomène puisse être indépendant des données de la DMO, cette augmentation pouvant également refléter des défauts de l'architecture osseuse, l'association DMO basse - augmentation des marqueurs de la résorption osseuse apparaît très prédictive, le risque de fracture étant alors multiplié par 4 ou 5.
Le suivi d'un traitement à visée osseuse.
Les marqueurs osseux permettent :
- une évaluation plus rapide des effets du traitement que la DMO, les effets s'observant en quelques semaines ;
- d'améliorer l'observance de ces traitements, en motivant les patientes ;
- la prédiction du risque fracturaire indépendamment de la DMO ; cela s'applique particulièrement au raloxifène pour lequel la réduction du risque fracturaire ne semble attribuable que pour une faible part à l'augmentation de la DMO ; en revanche, la réduction à six mois du risque de fracture vertébrale est plus importante chez les femmes ayant au départ une diminution importante des marqueurs osseux.
Limites
Les variations intra-individuelles constituent la principale limite à l'utilisation des marqueurs osseux ; celles-ci sont de l'ordre de 10 % pour les marqueurs de la formation et de 20 % pour ceux de la résorption.
Plusieurs éléments interviennent ici :
- variations circadiennes : elles sont importantes, avec un pic nocturne (entre 2 et 8 heures) et un nadir entre 13 et 23 heures. En pratique, il faut recommander un dosage à 8 heures du matin ;
- d'autres variations ont été décrites : saisonnières, en fonction de certaines affections de l'âge, une fracture récente induit une augmentation des marqueurs ;
- d'autre part, la corrélation entre marqueurs de formation et de résorption est plus importante en cas de ménopause récente par rapport aux femmes ménopausées depuis plus de dix années.
Enfin, des chevauchements des valeurs de la DMO chez les femmes perdant rapidement ou lentement de l'os limitent la valeur de base des marqueurs pour prévoir la réponse individuelle à un traitement.
En pratique, pour suivre les effets d'un traitement à visée osseuse, l'efficacité de ce dernier ne pourra être affirmée qu'en présence de modifications substantielles des marqueurs.
CONCLUSION
Actuellement, rien ne peut remplacer la détermination de la DMO pour dépister les femmes à risque d'ostéoporose postménopausique, et suivre l'évolution d'un traitement à visée osseuse. Les marqueurs peuvent, cependant, être utiles dans certains cas en complément de la DMO dont nous avons vu qu'ils renforçaient la valeur prédictive en ce qui concerne le risque fracturaire. Ils peuvent, également, contribuer à améliorer l'observance d'un traitement. Toutefois, des précautions sont à observer en ce qui concerne les techniques de dosage et les conditions des prélèvements.
Marqueurs biochimiques du remodelage osseux
.
FORMATION .
Sérum- Ostéocalcine (Bone Gla-Protein)
- Phosphatase alcaline totale et osseuse
- Propeptides C et N-terminaux du collagène de
type I (PICP et PINP)
RESORPTIONPlasma/sérum
- Phosphatase acide résistante à l'acide tartrique
- Pyridinoline et déoxypyridinoline libres
- Télopeptides N et C-terminaux
du collagène de type I
Urine
- Pyridinoline et déoxypyridinoline libres
- Télopeptides N et C-terminaux du
collagène de type I
- Calciurie
- Hydroxyprolinurie
- Galactosylhydroxylysine
Les marqueurs les plus performants dans l'ostéoporose sont indiqués en gras.
« Rev Rhumat » 1999 ; 66 : 613-617.
Classification de l'ostéopénie et de l'ostéoporose proposée par l'OMS (1994)
Os normal T-score supérieur ou égal à -1 DS
Ostéopénie T-score compris entre - 1 et - 2,5 DS
Ostéoporose T-score inférieur à - 2,5 DS
Ostéoporose avérée
T-score inférieur à - 2,5 DS en présence d'une ou de plusieurs fractures par fragilité osseuse
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