Alors que la plupart des individus sont porteurs de méningocoques, au moins à un moment de leur vie, seule une très faible proportion de personnes développera une méningite (environ un sujet pour 40 000 à 100 000). De manière plus générale, il apparaît que nous ne sommes pas tous égaux face aux infections. On a émis l'hypothèse selon laquelle la susceptibilité aux infections pourrait avoir une origine génétique. Bien que des mutations conduisant à des états d'immunodéficience sévère aient été caractérisées, la faible fréquence de ces mutations dans la population ne suffit pas à expliquer la fréquence beaucoup plus importante des décès causés par les maladies infectieuses. De plus, la majorité des individus succombant à une infection bactérienne était considérée en parfaite santé avant que l'infection ne se déclare. Par conséquent, il doit exister d'autres types de variations génétiques pouvant conduire à une plus grande sensibilité aux pathogènes. Une étude dirigée par une équipe américaine, réalisée sur une cohorte d'enfants anglais hospitalisés pour une infection méningococcique systémique, confirme cette théorie : des allèles rares mutants d'un gène codant pour un composant du récepteur au lipopolysaccharide (le gène TLR4) sont en effet surreprésentés dans cette population d'individus.
La mutation de l'homologue murin de TLR4 entraîne une grande susceptibilité aux infections par des bactéries à Gram négatif en abolissant la réponse aux lipopolysaccharides bactériens. Compte tenu de la grande conservation entre cette protéine de souris et sa contrepartie humaine, Irina Smirnova et coll. (université d'Amsterdam) ont émis l'hypothèse qu'un phénomène similaire pouvait exister chez l'homme.
A partir de l'ADN de 197 enfants britanniques ayant développé une maladie systémique à la suite d'une infection par un méningocoque, les auteurs ont amplifié et séquencé le gène TLR4. L'ADN de 127 sujets sains, non apparentés aux malades et n'ayant jamais eu d'infections notoires a été utilisé en contrôle. Un programme informatique leur a ensuite permis de rechercher les mutations présentes dans les séquences obtenues. Cette analyse a conduit à la mise en évidence de onze mutations faux sens dans le groupe des sujets malades et de seulement une seule mutation dans le groupe contrôle. Les cohortes ont ensuite été élargies en leur ajoutant 23 sujets malades d'origine hollandaise ou américaine et 156 sujets contrôles américains. Dans le groupe des malades, trois nouvelles mutations de TLR4 ont pu être identifiées. En revanche, l'analyse de l'ADN des sujets contrôles supplémentaires n'a pas permis la détection de nouvelles mutations associées aux génotypes des individus sains.
Ainsi, au total, 14 mutations ont été détectées chez les 220 malades étudiés, alors qu'une seule mutation a pu être mise en évidence chez 283 sujets contrôles. Il existe, par conséquent, un excès important et significatif de mutations rares au niveau du gène TLR4.
La neutralisation microbienne précoce en défaut
La famille des TLR comprend dix membres, dont seulement deux ont été bien caractérisés d'un point de vue fonctionnel : TLR4 et TLR2. La protéine TLR2 intervient dans la reconnaissance des peptoglycans et de lipoprotéines bactériennes. Les auteurs ont également recherché des variants du gène TLR2 dans les cohortes de malades et de témoins sains. Cependant, ils n'ont pas pu mettre en évidence une différence significative entre les deux groupes testés concernant l'apparition de variants faux sens du gène TLR2.
A partir de ces données, les auteurs concluent que certains allèles rares de TLR4, et non de TLR2, augmentent la susceptibilité aux méningocoques. La détection des bactéries via TLR4 participe certainement à la neutralisation microbienne précoce. Les variants faux sens de TLR4 ne sont plus capables de conduire à cette détection et permettent donc à l'infection de progresser. Pour les auteurs, d'autres gènes impliqués dans la détection précoce des infections pourraient, eux aussi, sous une forme mutante, conduire à une plus grande sensibilité des individus aux maladies infectieuses.
I. Smirnova et coll., « Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée, à paraître prochainement sur www.pnas.org
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