L'HISTOIRE de la mise en place de la Classification commune des actes médicaux (Ccam) tourne-t-elle à la série noire ? Pour certains, cela ne fait déjà plus aucun doute, même si peu d'informations officielles circulent sur la préparation du versant technique de la nouvelle nomenclature.
L'entrée en vigueur de la Ccam technique, qui doit permettre de codifier 7 200 actes et séries d'actes effectués principalement par les médecins spécialistes libéraux, a été annoncée pour le 1er juillet 2004, avant d'être repoussée successivement au 1er octobre, au 1er décembre et enfin au 1er mars 2005.
Interrogée par « le Quotidien », la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam) ne se prononce pas expressément sur la crédibilité de cette dernière date butoir mais assure simplement qu'elle « travaille pour que la Ccam soit mise en œuvre dans les meilleurs délais ».
Or, environ trois semaines avant la date fatidique du 1er mars, certains responsables du programme Sesam-Vitale pensent que le respect du calendrier paraît une fois de plus compromis, vu les contraintes techniques à surmonter. Mais ils ajoutent que personne n'a intérêt à le clamer haut et fort car « il ne faut pas dissuader les médecins de s'équiper » de logiciels intégrant la version 1.40 de Sesam-Vitale et permettant le codage des actes.
« De source sûre, la Ccam technique est retardée de trente jours », lâche le Dr Djamel Dib, expert choisi par la Fédération des médecins de France (FMF) pour travailler avec le pôle nomenclature de l'assurance-maladie. « La raison officieuse » de ce nouveau report, explique-t-il, « c'est qu'à l'issue des tests grandeur nature avec les établissements les flux de transmission des bordereaux de facturation n'étaient pas exhaustifs, les praticiens n'ayant pas tous effectué le double codage de leurs actes » (en Ccam et en Ngap, la nomenclature actuelle).
Mais l'estimation à trente jours de ce retard est « largement trop optimiste » aux yeux du Dr Alain Ricci, l'expert ès Ccam du syndicat Alliance.
A l'impossible...
Certes, le pôle nomenclature a déjà accompli un énorme travail qui consistait à affecter un tarif de type Ngap à chacun des 7 200 libellés de la Ccam technique. En effet, les partenaires conventionnels sont convenus que la plupart des tarifs des actes techniques resteraient inchangés (hormis certaines revalorisations) afin qu'il n'y ait aucun perdant chez les spécialistes libéraux. Or, le Dr Ricci constate que le directeur général de la Cnam « n'a pas encore donné son feu vert » pour la diffusion de cette base tarifaire ainsi constituée. Une fois que Frédéric van Roekeghem aura validé ce fichier, il restera encore à « organiser des négociations conventionnelles pour fixer les tarifs initiaux [et répartir l'enveloppe de 180 millions d'euros prévue par la convention, Ndlr], à mettre en route le programme de tests pour les logiciels et à lancer la procédure juridique avant parution au "Journal officiel" ». Bref, le top départ de la Ccam technique pourra être donné au mieux « le 1er mai », estime Alain Ricci car « à l'impossible, nul n'est tenu ».
Encore différé, le passage à la Ccam pourrait être, tout compte fait, déconnecté du basculement des cliniques à la tarification à l'activité (T2A, voir encadré). En effet, explique le chef de file des spécialistes du syndicat Umespe-Csmf, le Dr Jean-François Rey, « on ne peut pas faire la Ccam sans la T2A mais on peut faire la T2A sans Ccam », dès lors que la tarification à l'activité permet d'appliquer les tarifs Ngap actuels. Cependant, le Dr Rey considère que « le démarrage de la Ccam au 1er mars est toujours véridique, faisable, à condition que le directeur général de la Cnam et que le ministre de la Santé et de la Sécurité sociale activent leurs services », parce que « leur crédibilité et leur parole sont en cause ». La Csmf estime que la mise en place de la Ccam au 1er mars est d'abord une question de volonté politique, comme le laissait déjà entendre son président, Michel Chassang, dans un courrier adressé il y a quelques jours à Frédéric van Roekeghem (« le Quotidien » du 1er février).
Trop tôt pour s'affoler ?
Quant aux ultimes négociations nécessaires entre syndicats médicaux et assurance-maladie sur le sujet, il faut les organiser rapidement mais elles ne devraient occuper qu' « une petite soirée », soutient le Dr Rey. De toute façon, le président de l'Umespe « ne pourrait pas accepter un report à une nouvelle date car des spécialités, notamment les anesthésistes, l'ensemble des spécialités chirurgicales et tous ceux qui ont des actes gagnants, attendent déjà depuis trop longtemps ».
Du côté des éditeurs de logiciels médicaux, on pense aussi qu'il est encore trop tôt pour s'affoler. « Psychologiquement et techniquement, on est prêts », déclare Pierre Bruneau de Cegedim Logiciels Médicaux. « Ce qui nous manque, ce sont les références officielles. Dès que l'on disposera des bonnes tables tarifées, il nous faudra seulement huit à quinze jours pour les faire fonctionner sur les postes déjà installés. »
Marilyne Minault, directrice gérante d'Hellodoc, « n'est pas du tout inquiète » dans la mesure où la mise à jour des tables peut se faire très rapidement par téléchargement.
Manifestement, la tentation est grande de respecter l'échéance du 1er mars, coûte que coûte, ne serait-ce que pour des raisons d'affichage. Pourtant, le syndicat Alliance fait valoir que le volontarisme a ses limites. « Contrairement à la Csmf, on ne veut pas bousculer les choses pour ne pas mettre techniquement en difficulté la profession », souligne le Dr Ricci. Il se souvient des « ruptures de trésorerie » provoquées en 2002 chez les médecins par le regroupement de l'assurance-maladie en caisses pivots, qui a nécessité pas moins de « 45 versions de logiciels en 90 jours ». Alors, conclut-il, « chat échaudé craint l'eau froide »...
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