Depuis l'attaque du 11 septembre sur le World Trade Center et le Pentagone, le système de santé américain est en état d'alerte et prend très au sérieux la menace d'attaque bioterroriste. Le premier candidat en liste pour ce type d'attaque est le charbon (Bacillus anthracis). Face à cette bactérie meurtrière chez l'homme, on dispose de peu de quantités de vaccins et l'antibiothérapie est habituellement inefficace dans le cas du charbon d'inhalation.
Il serait donc précieux d'avoir un antidote contre la toxine anthracique, et toute recherche dans ce domaine suscite un grand intérêt. Une étude de Watters, Dietrich (Harvard Medical School, Boston) et coll., publiée dans « Current Biology », ne passera certainement pas inaperçue.
Formes cutanée, pulmonaire ou gastro-intestinale
Peut-être faut-il rappeler que l'infection bactérienne par B. anthracis s'observe le plus souvent chez les animaux herbivores. Chez l'homme, le charbon cutané s'observe à la suite d'introduction des spores de B. anthracis dans la peau à partir de coupures ou de piqûres de mouche ; le charbon pulmonaire survient après inhalation de spores ; le charbon gastro-intestinal résulte habituellement de la consommation de viande peu cuite contaminée par le charbon. Une bactériémie à B. anthracis peut se développer dans n'importe quelle forme de charbon, et est observée dans la plupart des cas fatals.
La toxine anthracique est responsable de la létalité liée la bactérie. Elle est composée de trois protéines : l'antigène protecteur (AP), le facteur démateux (FO) et le facteur létal (FL).
Facteur létal : effet cytolytique sur les macrophages
L'AP permet l'entrée du FL dans le cytoplasme des cellules, et le FL exerce un effet cytolytique uniquement sur les macrophages (les cellules immunitaires qui phagocytent les particules étrangères), cela par un mécanisme encore inconnu. Certaines souches de souris sont plus résistantes que d'autres aux effets de la toxine anthracique. Des travaux précédents de Watters, Dietrich et coll. ont montré que cette différence de susceptibilité se situe en aval de l'entrée de la toxine dans le macrophage et est liée à une région du chromosome 11 (locus Ltxs1 ou letal toxin 1).
Watters, Dietrich et coll. ont maintenant identifié le gène Ltxs1 dont les mutations sont responsables de la susceptibilité ou de la résistance des macrophages au facteur létal. Ce gène code pour une protéine motrice (Kif1C) de la famille des kinésies, qui interviennent dans les mécanismes du transport cellulaire. Les chercheurs montrent, dans une série d'expériences in vitro, que deux allèles pleinement fonctionnels de Kif1C sont requis pour la résistance des macrophages au facteur létal ; de plus, la perturbation, même minime, de la fonction de Kif1C induit une susceptibilité des macrophages au facteur létal. Les chercheurs ont aussi constaté que le facteur létal possède toujours une activité protéolytique dans le cytoplasme des macrophages résistants, ce qui démontre que la protéine Kif1C n'intervient pas dans l'entrée cellulaire ou l'activation du facteur létal.
Les auteurs suggèrent que « la protéine Kif1C opère en aval de la voie d'intoxication et sert à protéger les macrophages des signaux induits lorsque le facteur létal protéolyse ses protéines cibles ». S'il en est ainsi in vivo et chez l'homme, on pourrait peut-être trouver des moyens d'augmenter cette capacité de Kif1C dans les macrophages. « C'est le premier aperçu moléculaire sur le processus déclenché par le facteur létal, mais il pourrait y avoir une portion de cette voie qui pourrait être inhibée ici », fait remarquer, dans un communiqué, le Dr Dietrich.
« Current Biology », 2 octobre 2001, p. 1503.
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