Déclaration insuffisante
La tularémie a été décrite pour la première fois en 1911 chez des rongeurs. Cette affection, zoonose bactérienne, survient actuellement de façon sporadique chez l'homme aux Etats-unis, en Europe et en Asie. Si l'incidence de la maladie n'est pas connue, il semblerait que les données épidémiologiques en sous-estiment nettement l'incidence en raison d'une déclaration insuffisante des cas avérés. Aux Etats-Unis, entre 1985 et 1992, 1 409 cas ont été rapportés, en majorité chez des enfants (à la période printanière) et chez des sujets de sexe masculin de plus de 50 ans (chasseurs et trappeurs en contact avec des carcasses d'animaux infectés).
Francisella tularensis : un coccobacille de petite taille
L'agent causal de la tularémie est Francisella tularensis, un coccobacille de petite taille, non mobile, aérobie, Gram négatif. Il est entouré d'une fine enveloppe liposaccharidique et peut survivre sous forme de spores pendant plusieurs semaines dans l'eau, les sols ou dans des restes animaux.
Peau, muqueuses, intestin, poumons
Francisella tularensis peut infecter les humains par voie cutanée, par le biais des membranes muqueuses, par le tractus gastro-intestinal ou les poumons. Cette bactérie intracellulaire facultative se multiple au sein des macrophages. Par ce biais, elle colonise, au décours d'une bactériémie, les ganglions lymphatiques, les poumons, la plèvre, la rate, le foie et les reins.
Au niveau tissulaire, l'infection se caractérise par une réaction inflammatoire locale suppurative, pouvant s'accompagner d'une nécrose au sein d'un tissu infiltré par des polynucléaires (leucocytes d'abord, suivis de macrophages et de lymphocytes).
Inflammation hémorragique des voies respiratoires
Après inhalation de Francisella tularensis, on retrouve très fréquemment une inflammation hémorragique des voies aériennes à laquelle succède le plus souvent une bronchopneumopathie. Histologiquement, les poumons atteints se caractérisent par un comblement des alvéoles par un exsudat de cellules mononucléaires. En même temps, des pleurites et des lymphadénopathies hilaires peuvent être mises en évidence à l'examen radiologique.
Dissociation pouls-température
Cliniquement, après une phase d'incubation de 1 à 14 jours, le malade présente brutalement une fièvre (38 °C à 40 °C), des céphalées, des frissons, des myalgies généralisées, un coryza et une toux sèche. Une dissociation pouls-température est notée chez près de 45 % des sujets. En l'absence de traitement, les signes pulmonaires passent au premier plan : toux productive, douleurs rétrosternales, dyspnée, tachypnée, hémoptysie. Des signes non spécifiques peuvent se surajouter : douleurs abdominales, fièvre, nausées, vomissements, diarrhée, malaises et perte de poids ; la forme typhoïdique se traduit par une fièvre avec prostration.
Antibiotiques
Le traitement antibiotique (1) repose, en première intention, sur les fluoroquinolones (ciprofloxacine, ofloxacine et levofloxacine) et en deuxième intention sur la doxycycline. En l'absence de thérapeutique, les symptômes peuvent persister des semaines, voire des mois. Les souches les plus virulentes entraînent le décès dans 5 à 15 % des cas et les atteintes pulmonaires et les formes systémiques graves s'accompagnent d'un taux de mortalité de 30 à 50 %.
D'autres formes cliniques
« D'autres formes cliniques ont aussi été décrites en cas de contamination par des voies non aériennes : formes glandulaires ou ulcéro-glandulaires, oro-pharyngées ou oculaires », précise le Pr Olivier Jonquet (service des maladies infectieuses, hôpital Gui-de-Chauliac, Montpellier).
Trois à cinq jours après la dispersion
« L'utilisation de F. tularensis comme arme biologique par voie aérienne s'accompagnerait de l'apparition de cas de maladies fébriles non spécifiques dans les 3 à 5 jours suivant la dispersion », expliquent les experts du groupe de travail sur la biodéfense civile dans un article paru dans le « JAMA ». Dans les jours qui suivent la dispersion des souches, en l'absence de prise de conscience des autorités publiques, des cas de pleurite et de pneumopathie paraîtraient dans la population des sujets atteints. « Il faut s'attendre, en cas de dispersion de l'agent causal de la tularémie, à une épidémie de progression plus lente et moins grave que si des bacilles de maladie du charbon ou de la peste sont dispersés », précisent les auteurs.
Diagnostic
Le diagnostic se fait par culture des crachats, par hémocultures ou par recherche d'anticorps par immunofluorescence.
Un nouveau vaccin en cours d'étude
Diverses tentatives vaccinales ont été développées. Actuellement, un nouveau vaccin est en cours d'étude par la FDA et les vaccins existants ne sont conseillés, en raison de leur délai d'action (deux semaines), qu'aux sujets travaillant dans les laboratoires et amenés à manipuler cette bactérie.
« JAMA », vol. 285, n° 21, pp. 2763-2773, 6 juin 2001.
(1) Pour des détails sur la conduite du traitement : se rapporter aux fiches thérapeutiques « Plan Biotox » de l'AFSSAPS sur le site : http://afssaps.sante.fr/htm/10/biotox/bio100.htm
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