A Toulouse, « le Couronnement de Poppée »

Mémorable Poppée

Publié le 23/04/2006
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DANS « LE COURONNEMENT de Poppée », qui est le dernier opéra de Monteverdi, ce n’est certainement pas la vertu que l’on couronne ! Amoral, le livret de Busenello exalte cynisme, goût du pouvoir, sexe et injustice. De la décadence de l’empire romain à celle du régime mussolinien il n’y a qu’un pas, qu’a franchi l’équipe de cette réalisation toulousaine. De l’Antiquité, on garde le décorum, les marbres et statues, de la période fasciste, les costumes et les moeurs ; coups bas et intrigues restent les mêmes. Ezio Frigerio a conçu un cadre un peu glaçant mais qui permet à l’action de se dérouler dans la plus grande clarté. Franca Squarciapino a déployé la plus grande fantaisie pour les costumes, mussoliniens pour le camp de Néron, Renaissance pour Ottavia, l’impératrice déchue qui, dès le lever de rideau, appartient au passé.

Un baume pour les yeux, les oreilles et l’âme.

Après ce que l’on a vu avec cet opéra la saison dernière, la réalisation de Nicolas Joel – la première pour lui dans l’opéra baroque – est un baume pour les yeux, les oreilles et l’âme. Une mise en scène claire et calme, sans agitation superflue : les situations sont suffisamment tranchées, les contrastes entre drame et comédie assez évidents pour ne pas avoir à en rajouter. Cela n’exclut pas la fantaisie. Poppée, blonde incendiaire, femme reptile, sorte de Lulu avant la lettre, fait à Néron des numéros de séduction digne des grandes héroïnes hollywoodiennes. Il faut dire qu’elle trouve en Anne Catherine Gillet une comédienne de haut vol qui se glisse avec une souplesse extraordinaire dans la peau de ce personnage éminemment érotique.

Mais il faut aussi parler de la musique, qui s’est située à un niveau superlatif. Christophe Rousset a opté pour une réalisation minimaliste, soit la version de Venise enrichie de quelques vents : quatorze instrumentistes des Talens Lyriques, y compris Rousset, qui dirige en tenant orgue et clavecin. Ce n’est certes pas la luxuriance qui est la tendance du moment, mais l’oeuvre, quasi réduite à ses voix et son continuo, gagne en clarté et en rythme.

Pour distribuer « Poppée », il faut réunir trois grandes voix féminines et le trio réuni ici partait gagnant. Catherine Malfitano donne un ton impérial et humain à la fois à Ottavia, forcée de libérer le trône au profit de l’intrigante Poppée. Cette dernière trouve en Anne Catherine Gillet une interprète idéale : souplesse vocale, sûreté de la ligne, projection parfaite, une grande chanteuse qui est à l’affiche du Capitole pour la troisième fois cette saison. Sophie Koch, elle aussi une habituée de cette scène, a donné à Néron la beauté de son timbre de mezzo-soprano unique aujourd’hui et parfaitement apparié à celui de Poppée. Sabina Puertolas a apporté une grande fraîcheur au rôle de Drusilla.

Même unité stylistique et vocale chez les hommes : autant chez ceux qui jouaient les nourrices, Gilles Ragon et Anders Dahlin, impayables tous les deux, que chez le contre-ténor Max Emanuel Cencie (Ottone) et le Seneca de Giorgio Giuseppini.

Une soirée mémorable, donc, par l’adéquation de l’oeuvre à ses interprètes. Adéquation dont, en France, il semble bien qu’il n’y ait plus guère que Toulouse à détenir le secret.

Capitole de Toulouse : 05.60.22.24.30 et www.theatre-du-capitole.org. Prochains spectacles lyriques : « le Triptyque » de Puccini, les 5, 9 et 12 mai à 20 h, les 7 et 14 à 15 h ; et « les Maîtres Chanteurs de Nuremberg » de Wagner, du 7 au 17 juin.

> O. B.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7946