La mémoire humaine est influencée à la fois par des facteurs génétiques et environnementaux qui, globalement, concourent à la variabilité interindividuelle des performances mnésiques. Parmi les neuromédiateurs impliqués dans les processus de mémoire, la sérotonine et ses récepteurs semblent jouer un rôle prépondérant. Le récepteur 5HT2a, qui est présent dans l'ensemble du système nerveux central, est particulièrement distribué au niveau de l'hippocampe et du cortex préfrontal, deux structures impliquées dans les processus d'apprentissage et de mémoire. Chez le rat, l'utilisation de molécules à hautes affinités pour ce récepteur induit des modifications des capacités mnésiques. Chez l'homme, il a été décrit un polymorphisme du gène codant pour 5HT2a : 9 % de la population générale se révèle hétérozygote pour ce gène avec l'existence, sur l'un des deux allèles, d'une substitution d'un acide aminé en position 452 (remplacement de l'histidine par de la tyrosine). Comparés aux homozygotes (His/His), les hétérozygotes (His/Tyr) répondent de façon moins nette à une stimulation de ces récepteurs (mesure par une appréciation de la mobilisation du calcium intracellulaire lors d'une stimulation pharmacologique).
Etudes supérieures ou pas
Afin de préciser l'effet d'un tel polymorphisme sur les capacité de mémorisation, une équipe de chercheurs suisses a mis en place une étude sur 349 jeunes volontaires sains qui ont été soumis à différents tests de mémorisation. Pour limiter les éventuels biais liés à une stimulation habituelle des capacités mnésiques, deux types de volontaires ont été recrutés : des sujets effectuant des études universitaires, et des témoins choisis dans une population de travailleurs n'ayant pas suivi d'études supérieures. Le premier test proposé consistait en l'énoncé, à la vitesse de un mot par seconde, d'une série de noms sans rapport les uns avec les autres (six séries de cinq mots chacune). Immédiatement après l'énoncé de ces mots, les sujets devaient en répéter le plus grand nombre. Une telle répétition a aussi été demandée cinq minutes et vingt-quatre heures après l'énoncé. La première de ces vérification fait appel à la mémoire immédiate, la deuxième à la mémoire épisodique, alors que la troisième fait entrer en compte des processus de consolidation mnésique par le biais de synthèses protéiques.
« Le génotype du récepteur de la 5HT2a influence de façon significative la mémoire épisodique puisque les hétérozygotes ont vu leurs performances diminuées de 21 % dans notre expérience. Cette différence, qui reste indépendante de l'âge et du sexe, a été retrouvée dans les deux groupes de volontaires (ceux qui effectuaient des études supérieures et les témoins) », analysent les auteurs. En outre, parmi les sujets ayant retenu le plus faible nombre de mots (moins de 8), on retrouve une proportion plus élevée de sujets hétérozygotes que dans tous les autres groupes de performances. Cette différence était constante, que les sujets aient été testés cinq minutes ou vingt-quatre heures après la stimulation, ce qui tendrait à prouver que le polymorphisme n'influence pas de façon notable la mémoire liée à la synthèse protéique. Enfin, la mémoire immédiate testée dès la fin de la stimulation n'est pas influencée par le génotype du récepteur 5HT2a.
Les investigateurs ont aussi procédé à des tests de mémoire visuelle en présentant aux volontaires une série de quinze images durant deux secondes chacune. Le génotype n'a influé de façon significative que la mémoire à cinq minutes des sujets de sexe masculin. Enfin, des tests de mémoire plus complexes faisant appel à la motivation et à l'attention ont aussi été effectués ; aucune influence du génotype n'a été détectée.
« Nature Neuroscience », publication en ligne avancée le 19 octobre 2003
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