D ANS les années quatre-vingt-dix, tout le monde, loin s'en faut, ne s'est pas satisfait de l'excommunication de Jacques Benveniste et, avec lui, de toute notion apparentée de près ou de loin à « la mémoire de l'eau ». Quelques irréductibles ont refait les expériences. Certains l'ont fait sous le manteau. Mais d'autres l'ont dit.
Ainsi, en 1999, un consortium de quatre laboratoires (français, italien, belge, hollandais), dirigé par le Pr Robertfroid (Université catholique de Louvain) a publié, sous une forme malheureusement extrêmement brève, une première confirmation (P. Belon et coll., Inflamm. Res., avril 1999 ; 48, suppl. 1). Le protocole mis en uvre était une variante du protocole initialement publié en 1988 dans « Nature » par Benveniste. On se souvient qu'il s'agissait alors d'induire la dégranulation de basophiles par des solutions hautement diluées d'anti-IgE. En l'occurrence, la variante consistait à inhiber la dégranulation (induite par des anti-IgE pondérales) par des dilutions d'histamine. Le médiateur rétroagit en effet sur sa propre libération. Dans l'expérience, sa « présence » sous forme hautement diluée semble avoir eu le même effet inhibiteur que sa présence pondérale, effet évidemment absent avec l'eau pure utilisée comme contrôle.
Madeleine Ennis, qui faisait partie de l'équipe de Robertfroid, et qui s'est toujours déclarée incrédule, restait dubitative face au résultat. Elle a donc entrepris de refaire la manipulation, en substituant cette fois un comptage par cytométrie - automatisé, donc -, au comptage manuel mis en uvre jusqu'alors. En toute rigueur, la précaution ne s'imposait pas, puisque le premier travail avait, comme il se doit, été réalisé en aveugle, et donc sans possibilité de biais de comptage lié à l'opérateur. L'automatisation, luxe de précaution au sens littéral du terme, témoigne cependant de la défiance qui prévalait a priori. Et c'est le résultat de cette vérification de la vérification qui devrait être publié le mois prochain dans « Inflammation Research ».
Que penser de tout cela ? Madeleine Ennis, si elle confirme bien le résultat obtenu, se refuse à tout commentaire pour le moment. Quant à Benveniste, il regrette que de tels résultats n'acquièrent pas une visibilité suffisante pour que le débat soit rouvert sur le fond.
Le fond, justement. Depuis des années, Benveniste travaille à approfondir le phénomène qu'il a observé - et ce, d'ailleurs, avec une obstination qui, lorsqu'elle coûte carrière et renommée, s'appelle du courage. Aujourd'hui, il ne manipule plus des solutions diluées, mais des signaux électromagnétiques qui seraient associés aux molécules (« le Quotidien » du 18 mars 1999). Il est donc loin : reste à savoir si c'est en avant, ou à côté...
Une révolution des pratiques ?
Il est douteux que les résultats obtenus à Bruxelles et à Belfast suffisent, pour la communauté scientifique en général, à faire la preuve de ce qui serait une révolution. Ils constituent un élément, mais un élément important dans la forme. En somme, que s'est-il passé ? Un chercheur incrédule a vérifié par lui-même, à l'écart des rumeurs. Si la science a pour vocation de faire progresser, c'est bien parce qu'elle offre, à l'adhésion à un credo, l'alternative de la vérification expérimentale, par chacun, par lui-même. Il s'agit en définitive d'une fonction émancipatrice. S'il y a une révolution paradigmatique à attendre en biologie, il y a fort à parier qu'elle commencera par une révolution des pratiques : la base vérifiant ce qu'on lui sert. On trouve d'ailleurs, sur le site du laboratoire de Benveniste (www.digibio.com), suffisamment d'exemples de protocoles pour donner des idées.
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